Christianisme et communisme

Christianisme et communisme

Enregistrement audio de la conférence

Enjeux de la conférence

« La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel », écrivait Karl Marx en 1843. 
Depuis communisme et christianisme semblent incompatibles. C’est oublier que la doctrine communisme s’est en partie inspirée du christianisme social et que l’un des premiers théoriciens communistes importants, Etienne Cabet voyait dans le communisme la réalisation des principes communistes. Christianisme et communisme pourraient-ils faire bon ménage ?
A partir du Nouveau Testament, mais aussi des écrits des pionniers du communisme, Etienne Cabet et Karl Marx en tête, Kévin Boucaud-Victoire, journaliste et écrivain, revient sur les liens entre les deux doctrines qui s’opposent moins qu’elles ne le croient.

Conférence organisée au Dorothy le 17 septembre 2020.



Blaise Pascal : misère et grandeur de l’homme

Blaise Pascal : misère et grandeur de l’homme

Enregistrement audio de la conférence

Enjeu de la conférence

Pendant le confinement, on a abondamment cité Blaise Pascal :
« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Pourtant, loin d’être une invitation tranquille à l’impassibilité et à une sagesse coupée de la vie, l’oeuvre de Pascal est un vibrant chemin allant de la possibilité du désespoir à la quête de l’absolu et au désir insatiable de bonheur. Comment penser la condition humaine, prise en étau entre la certitude de la mort et le spectacle souvent affligeant de l’histoire ? 
Le divertissement est-il le moyen de nouer avec la vie un rapport plaisant ? 
La foi peut-elle se comprendre comme un acte de libération et non un absurde et lâche aveuglement ?

Des questions abordées lors de cette conférence organisée le 9 juillet 2020 au Dorothy. Par Foucauld Giuliani.

Textes utilisés

« Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » (Pensées, 139, extraits (éd. Brunschvicg)) (Texte 1)

« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de ne point y penser. » (168) (Texte 2)

« La seule chose qui nous console de nos misères est le divertissement, et cependant c’est la plus grande de nos misères. Car c’est cela qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement. Sans cela, nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous pousserait à chercher un moyen plus solide d’en sortir. Mais le divertissement nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort. » (171) (Texte 3)

« Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les hommes vont à la guerre et que les autres n’y vont pas est ce même désir qui est dans tous les deux accompagné de différentes vues. La volonté ne fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui vont se pendre. Et cependant depuis un si grand nombre d’années jamais personne n’est arrivé à ce point où tous visent continuellement (…) Qu’est-ce donc que nous crie cette avidité et cette impuissance, sinon qu’il y a eu autrefois dans l’homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste maintenant que la marque et la trace toute vide, et qu’il essaie inutilement de remplir de tout ce qui l’environne, recherchant dans les choses absentes le secours qu’il n’obtient pas des présentes, mais qui en sont toutes incapables, parce que ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable, c’est-à-dire que par Dieu lui même. » (425, extraits)(Texte 4)

« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser: une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. » (347, extraits) (Texte 5)

« (…) Par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends. » (348, extraits) (Texte 6)

Nathalie : « Le diable il faut le combattre tous les matins. »

Nathalie : « Le diable il faut le combattre tous les matins. »

DES VIES CONFINÉES : Une série de témoignages en temps de confinement

N’étant pas tous confinés à la même enseigne, nous avons voulu donner la parole à plusieurs amis du Dorothy, des personnes de l’équipe, des habitués, pour qu’ils nous racontent ce qu’ils vivent, et nous partagent leur regard sur cette crise. Chaque témoignage est accompagné d’un portrait réalisé par un artiste du Dorothy


Je vis dans un bel appartement, ensoleillé, mais il faut faire des travaux. L’appartement est comme ça, débraillé, mon mari a mis la peinture n’importe comment, il n’a fait que les portes, en bleu. Je préfère blanc c’est joli ça fait grand les pièces. Il y a pas mal de travaux à faire. Le mur du couloir a pris un coup d’eau, je le supplie de faire les travaux…

Le confinement on essaie de supporter. Il y a deux pièces, quand mon mari et mon fils sont au salon je suis dans la chambre, pour m’évader la tête, les deux parlent pas beaucoup, je vais dans la chambre pour appeler des amis, parler, j’écoute la musique, Youtube.
J’ai commencé à travailler lundi dernier, je pars à 7h et je rentre à 13h, je fais à manger, après je regarde la télé et je prends mon cahier, j’ai plein de cahiers et des revues, et je copie beaucoup de lignes pour savoir mieux écrire car j’ai du mal à écrire.
J’ai beaucoup de famille ici, tantes, cousines, neveux, et même ma soeur… donc ils m’appellent pour avoir des nouvelles. « Ça va tata ? » et on s’appelle avec mon amie Rose aussi.

Le confinement c’est un bien d’un mal. Ça m’a permis de me poser un petit peu. Dans le temps j’étais très speed dans tout ce que je faisais, je ne me posais pas pour faire les choses correctement. Ça m’a permis de m’organiser, de rester en famille avec mes proches. Ça nous permet de parler de l’avenir, des projets de vie, et puis corriger aussi les fautes du passé entre nous. Ça nous permet de nous comprendre, de savoir ce qui ne plait pas à l’autre, de partager les corvées de la maison, les soucis, et les joies. Plein de bonnes choses. Et puis quelque part on s’inquiète pour l’avenir, ce qui nous attend quand on sera déconfiné. Si on va toujours avoir du travail. Mon fils et les jeunes de son âge, est-ce qu’ils vont continuer leur travail, est-ce qu’on va leur proposer autre chose à faire ?
Ce qui m’inquiète c’est que je suis la seule à travailler pour l’instant, mon fils ne ramène pas grand chose car les jeunes quand ils ont des sous ils dépensent. Je travaille à mi-temps à la clinique, je n’ai pas assez de revenus, l’appart est très cher et comme j’ai travaillé à plein temps et mon mari aussi, on n’a plus d’APL.

Dans le temps j’étais très speed dans tout ce que je faisais, je ne me posais pas pour faire les choses correctement. Je courrais n’importe comment. J’étais un peu éparpillée, j’étais pas posée.

Le confinement donne quelque part des soucis et ça permet aussi de réfléchir à plein de choses pour essayer de corriger ton passé, de faire des plans de vie. Avant je courrais à chaque fois qu’on m’appelait pour demander de l’aide, je courrais pour rendre service, je courrais n’importe comment. Même quand j’ai des choses à faire je laisse. J’étais un peu éparpillée, j’étais pas posée. Je perdais mon énergie inutilement et je faisais rien de bon dans ma vie. Je voulais rendre service à tout le monde mais je ne pensais pas à moi-même, même pas apprendre à écrire alors que aujourd’hui pendant le confinement je le fais tous les jours.
Mon mari me disait ça : tu n’as pas de programme fixe, tu es à gauche, tu es à droite… Je suis restée trois semaines sans bouger, j’ai beaucoup réfléchi. Ça fait trente ans que je suis en France et j’ai rien construit. À part que j’ai fait une formation pro pour être hospitalière à la clinique et que j’ai ce travail, je n’ai rien réalisé. À part une maison au village.
On dit toujours : il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Je voudrais avoir un appart à Abidjan ça serait bon et puis c’est tout. Le reste vient avec le temps. Mais c’est pas en faisant mi-temps de travail. J’essaie de voir avec la cheffe de la clinique si elle peut me trouver un travail pour les après-midis. Ça me permettrait d’économiser pour avoir une vie normale parce que j’ai pas un rond, c’est pas bon de ne rien avoir sur son compte.
Mais je suis fatiguée aussi. Quand on prend de l’âge on n’a pas envie de trop se dépenser mais j’ai pas le choix car je peux pas compter sur mon mari. Je crois que c’est un gars qui n’aime pas travailler, il y a des gens qui aiment la facilité. Je sais pas comment il s’y prend. On croise les doigts pour qu’il trouve un travail que je puisse économiser un peu.

Je travaille à mi-temps à la clinique, je n’ai pas assez de revenus. J’ai pas un rond, c’est pas bon de ne rien avoir sur son compte.

Ce qui a changé c’est que je me concentre sur mes écritures, je prends le temps de me mettre au salon sur la table pour faire mes écritures et lire mes revues pour comprendre des choses que je ne faisais pas avant. Ça m’a permis de réfléchir aux déplacements inutiles que je faisais. J’ai pris la décision de me reposer, de manger tranquillement, de me faire un peu belle, prendre un peu soin de moi. Des bonnes choses que je faisais pas avant et qui me font plaisir, et des choses qui font plaisir à ma famille. Parfois je fais des galettes, des crêpes, des petits gâteaux au four pour le goûter, je regarde les feuilletons tranquilles l’après-midi, ça me permet de voir des choses, ça m’instruit, et parfois il y a des films qui me ressemblent, à la vie que je mène, et ça me fait du bien. Ça me permet aussi d’appeler plus ma famille, mes parents à Abidjan, de faire attention à eux. Je discute plus avec mon mari, avant je prenais pas le temps je m’emportais. Quand tu es calme tu peux discuter calmement. Quand tu es éparpillée tu t’énerves. Maintenant je suis à l’écoute de ma famille, de mon mari et de moi-même. Et le travail que j’ai repris je le fais calmement, bien, avant c’était à la volée.

La chose que je voudrais faire c’est d’acheter de beaux sous-vêtements et de prendre le temps de les choisir, j’aime aussi acheter des produits pour bien faire mes cheveux, mais c’est fermé. Sinon j’ai pas trop de loisirs, le cinéma, danser, aller voir des amis, tout ça je ne fais pas.
Quand je sors c’est au Dorothy le dimanche. Dans ma propre famille ils font des réunions mais quand tu viens il faut avoir plein d’argent sur soi, donc je reste chez moi. Une fois une dame qui joue parfois du piano au Dorothy (Sabine) nous a invitées à un concert avec Rose, on était aux anges. Après elle a lu des poèmes. On est partis voir ça c’était génial.

Parfois tellement on reste dedans ça pousse à m’énerver pour rien.

Par moment je m’ennuie je reste à la fenêtre, je regarde les gens qui passent en bas, parfois la télé, parfois je me couche, je dors pas mais je suis dans le lit. On attend le déconfinement comme le Messie. Parfois tellement on reste dedans ça pousse à m’énerver pour rien, comme mon mec il est calme, il parle pas beaucoup, il dit rien, il supporte ça mais moi j’ai l’habitude de speeder. Mais j’étais obligée de supporter donc ça m’a relaxée. Quand on m’a rappelée pour travailler je voulais plus, comme j’étais bien.

Le diable il faut le combattre tous les matins. Le matin, je prie d’abord pour que le diable me laisse tranquille. Lundi je ne voulais pas aller au travail je suis restée dans mon lit et quand je me suis levée j’ai mis à peine mes chaussures, je suis partie sans me laver et puis je n’avais pas pris ma carte Navigo. Donc j’ai pris le bus jusqu’à Bastille et j’ai terminé à pieds. Au retour j’ai croisé les flics à Bastille, je suis allée au devant tranquille car j’avais mon autorisation, j’aurais pu filer. Mais au moment de la montrer je n’avais pas mes papiers non plus ! 130€ ! Je me suis excusée auprès de mon Seigneur car je voulais pas aller au travail et j’ai eu ce problème. C’est une bénédiction d’avoir un travail et le matin je voulais pas aller, voilà ma punition. Parfois Dieu nous donne un cadeau et on s’amuse avec, voilà pour l’amende. Tout le monde est couché je me suis dit pourquoi je vais travailler ? Mais les autres c’est les autres, toi c’est toi, pourquoi tu penses aux autres Nath ?

Je me suis excusée auprès de mon Seigneur car je voulais pas aller au travail.

J’ai envie d’aller à Lourdes avec le groupe de l’église ou de faire un pèlerinage. De prier devant le sanctuaire. Et organiser des choses au Dorothy pour se retrouver, manger, parler. Et puis faire un peu de shopping pour acheter des petites bricoles parce que tout est ancien. Et vous inviter à la maison pour faire la connaissance de ma famille. De toute façon la maison ne va pas se faire maintenant, les travaux… C’est ce que j’aimerais faire, vous invitez, avec Rose et sa famille et puis on reste un peu entre nous…


Portrait réalisé par Carmen de Santiago
Témoignage recueilli par Anne Waeles

Saber :  « Je me suis dit que tant mieux pour la planète, elle va enfin respirer. »

Saber : « Je me suis dit que tant mieux pour la planète, elle va enfin respirer. »

DES VIES CONFINÉES : Une série de témoignages en temps de confinement

N’étant pas tous confinés à la même enseigne, nous avons voulu donner la parole à plusieurs amis du Dorothy, des personnes de l’équipe, des habitués, pour qu’ils nous racontent ce qu’ils vivent, et nous partagent leur regard sur cette crise. Chaque témoignage est accompagné d’un portrait réalisé par un artiste du Dorothy


Le confinement, je dirai ça va. Je suis dans une maison à Carrières-sur-Seine. On est deux, je suis chez une amie. Mon amie Claire elle a son coin en bas et moi je suis dans le salon. On a aussi un petit jardin. D’ailleurs ce matin on a coupé les branches d’un arbre qui étaient gênantes. Je fais du jardinage, couper les mauvaises arbres, nettoyage, on aimerait faire un potager, planter quelques légumes, mais comme c’est fermé pour aller chercher des grains on attend.

Quand j’ai appris le confinement j’ai eu peur que ça dure longtemps, et que ça va mal se passer avec Claire qui m’héberge parce qu’on sera obligé de se voir et être là tout le temps. Mais au final ça se passe bien, elle est dans son coin, elle fait de la musique. On se voit que pour partager les repas, donc ça va.
Avant je mangeais à la cantine des Pyrénées le midi, et le soir au restaurant de solidarité de Paris, maintenant c’est nous qui faisons les courses. Au début c’était Claire qui faisait les courses toute seule, ça m’inquiétait de pas pouvoir participer et j’étais gêné.
J’ai pu avoir des appels auprès du Secours Catholique et ils ont décidé de nous livrer un chèque alimentaire de 50 euros chaque 15 jours, la bénévole du Secours Catholique m’a mis en lien avec l’épicerie sociale de Houilles, j’ai eu le droit à 80 % de réduction. Comme ça je peux faire les courses aussi.

De rester à la maison toute la journée, on s’ennuie un petit peu. Je commence juste à prendre des habitudes. La journée je regarde la télé, les infos, internet aussi, je suis connecté sur Facebook, les réseaux sociaux et tout, je regarde des films, je fais la cuisine, un peu de musique. J’essaie d’apprendre à jouer de la guitare, d’apprendre la musique kabyle. J’apprends en regardant des vidéos sur Youtube. C’est difficile. J’espère m’améliorer encore un peu. Il faut que je m’accroche et de jouer plus souvent. C’est tellement difficile que je m’ennuie vite.
J’apprends la chanson d’un chanteur kabyle, Khaloui Lounes. « Je sais que ton joli visage va me manquer… » Bon laisse tomber la traduction, c’est difficile. C’est une chanson d’amour, on va se séparer, et caetera. Mon village s’est bien organisé pour faire face à la maladie. C’est mieux organisé qu’en France car ils sont conscients que l’État ne va pas être là…

J’essaie d’apprendre à jouer de la guitare, d’apprendre la musique kabyle. Il faut que je m’accroche et de jouer plus souvent. C’est tellement difficile que je m’ennuie vite.

J’ai pas un programme spécial, le téléphone m’envahit trop, j’ai plein de groupes Whatsapp, des groupes d’amis, groupe du foot, groupes du village ou bled, je regarde des publications, je passe des coups de fil, je reçois des coups de fil…
D’ailleurs je m’inquiète pour ma famille au bled. Mais sur Facebook j’ai vu que mon village s’est bien organisé pour faire face à la maladie. Ils ont mis des barrages à l’entrée du bled pour que personne ne rentre personne ne sort. Le comité du village a fait une organisation pour que seulement quelques personnes fassent les courses pour le village. Le comité de village c’est chaque famille qui donne deux représentants, dans mon village il y a huit familles et une famille compte 15-20 foyers. Ça fait seize représentants plus le président de tout le village : ensemble on organise, on fait des réunions pour les travaux du village… Ils sont bien organisés pour l’épidémie. Ils ont fait un tour du village pour dire aux personnes de ne pas sortir et ils ont donné un numéro de téléphone à tout le monde, en cas de besoin. Dans mon village tout le monde travaille au noir, donc ils ont décidé de passer voir les familles pour faire une quête, chacun donne ce qu’il peut. Comme ça avec cet argent ils vont faire les courses, fruits, légumes, semoule, pâtes, et les distribuer aux villageois. Pour l’instant ils ont distribué une quantité de 15 à 20 jours. Les gens ne travaillent pas donc ils n’ont pas de ressources.
C’est mieux organisé qu’en France car ils sont conscients que l’État ne va pas être là… On a les manques de moyens, si il y a de la contamination ça va être grave. Donc ils font très attention pour que ça n’arrive pas chez eux. Après avoir vu cette organisation ça m’a rassuré par rapport à ma famille. J’ai un frère pompier qui travaille et ma sœur est pharmacienne, j’ai peur qu’ils ramènent le virus à la maison car j’ai des grands-parents âgés et ma mère a des maladies chroniques et diabétiques elle a de la tension donc ça fait peur. Mais de toute façon mes frères et sœurs ils sont bien placés pour savoir les dangers. Mon frère quand il arrive il enlève ses vêtements, il se lave, il évite de voir mes parents et mes grands-parents. Pour l’instant il n’ y a pas de cas dans mon village (Tazrouts).

En France je crois que c’est mal géré je parle du coté du gouvernement. Par rapport au manque de moyens de tester les gens, manque de masques, de blouses, de lits respiratoires. Dans quelques hôpitaux ils ont fait des choix de soigner celui-là et de laisser tomber celui-là, ça fait mal au coeur de voir tant de morts. Hier il y a eu 588 et malheureusement ça va continuer. Je dirais que c’est mal géré, le gouvernement français a négligé les hôpitaux avant cette épidémie. Apres ils viennent nous faire leurs discours merci et patati et patata, ne pas sortir, aller travailler, contradictions… Ils paient leurs erreurs. Ils font comme ils peuvent.

Je dirais que c’est mal géré, le gouvernement français a négligé les hôpitaux avant cette épidémie. Apres ils viennent nous faire leurs discours merci et patati et patata, ne pas sortir, aller travailler, contradictions…

Ce qui m’énerve c’est les gens qui prennent des stocks dans les supermarchés. Et laisser les rayons vides. Et j’ai vu une vidéo où la police a tabassé une femme car elle voulait pas payer son amende. Ou alors quand M. Lallement qui a déclaré que les gens qui se retrouvent en réanimation sont ceux qui ne respectent pas le confinement. Le gouvernement lui a demandé de s’excuser, et il s’est exécuté… Mais j’ai pensé que c’est la même personne qui donne des ordres aux policiers pour tabasser les manifestants, c’est la même pourriture. Quelques policiers font que leur travail et font face aux gens qui ne respectent pas vraiment leur travail, ça je dis pas…

Ce qui est inquiétant c’est que l’économie va s’effondrer. Les gens qui sont dans la rue ça m’inquiète aussi, d’ailleurs ils ont fait hommage récemment aux morts de la rue, le 31 mars. Et tous les morts qu’on voit et que ça continue. Et aussi le fait que si jamais cette maladie arrive en masse en Algérie ça va faire un carnage. Parce qu’ils ont pas les moyens pour faire face. Et ça m’inquiète pour mon avenir car rien ne va pour le moment, c’est stagné.
Le plus dur c’est de rester à la maison et de voir les infos et de voir les morts partout dans le monde. Il y en a qui disent de pas regarder les infos mais c’est important, il faut suivre l’actualité. À 20h je regarde les infos. Ça fait mal au coeur de voir les gens mourir comme ça en quantité.

Je ne me suis pas vraiment ennuyé, je m’adapte aux situations vite fait.

Au fait je me suis dit que tant mieux pour la planète, elle va enfin respirer, maintenant toutes les usines ne fonctionnent plus, les voitures ne circulent plus.
Mais pour moi rien de positif, je ne vois pas d’avantage à rester chez moi enfermé comme ça. Après de quoi j’ai profité ? À part de me mettre à la guitare je ne vois pas d’autre intérêt.
Ce qui me manque le plus c’est de voir des amis. Le travail aussi, sauf que je travaillais pas énormément. Je travaillais dans la restauration, les déménagements, n’importe où… Juste avant le confinement j’avais une piste pour travailler dans le déménagement. Je vais la recontacter quand on sera déconfiné.
Franchement je ne pense pas à ce que je vais faire quand on sera déconfiné, je vis le jour le jour, le jour où ce sera fini je vais sortir comme d’habitude, direction le 20e arrondissement, voir mes amis, tous les gens, et reprendre la vie normale.

Je ne me suis pas vraiment ennuyé, je m’adapte aux situations vite fait. J’ai eue une petite inquiétude au début. Je savais que ça allait prendre du temps pour se déconfiner mais je me suis vite adapté à la nouvelle vie. J’ai l’espoir qu’on va être déconfiné pour bientôt. Aux infos ils commencent à en parler, le préparer. Et j’espère qu’ils vont trouver un traitement et que ça va y aller.


Portrait réalisé par Clara Lauriot
Témoignage recueilli par Anne Waeles

Marie : « Demain on aura davantage conscience de la liberté et de la beauté de la vie. »

Marie : « Demain on aura davantage conscience de la liberté et de la beauté de la vie. »

DES VIES CONFINÉES : Une série de témoignages en temps de confinement

N’étant pas tous confinés à la même enseigne, nous avons voulu donner la parole à plusieurs amis du Dorothy, des personnes de l’équipe, des habitués, pour qu’ils nous racontent ce qu’ils vivent, et nous partagent leur regard sur cette crise. Chaque témoignage est accompagné d’un portrait réalisé par un artiste du Dorothy


Je suis plutôt quelqu’un qui bouge et qui n’aime pas rester chez elle. Et ce confinement, il faut pouvoir le supporter, s’armer de positivité, se dire qu’on est pas les seuls et le prendre de manière très sérieuse. Car ce qui est en jeu c’est notre santé, la dégradation, voire la mort.

Au début de l’épidémie je ne me suis pas affolée, mais quand ça m’est tombé dessus, là j’ai bien compris. Fin février on en parlait déjà avec des amis, on plaisantait, « faut pas qu’on se fasse la bise », on ne le faisait pas mais on le prenait à la légère, « cet aprèm j’ai pris ma température », « ah moi aussi », on riait et puis on continuait. J’ai tout de suite été assez prudente, je commençais à me méfier mais sans plus. J’ai été à la montagne du 8 au 16 mars avec des amis, on en a pas du tout parlé, je me suis baladée, j’ai même pu faire du piano dans un chalet un peu plus loin. Mais une amie toussait beaucoup, l’idée m’a frôlée que c’était peut-être le virus. La veille du confinement j’étais dans les rues de Grenoble, j’avais mis un foulard autour du nez, mais plein de jeunes étaient ensemble, pas du tout conscients des risques.

De retour à Paris le lundi, comme j’étais fatiguée ça m’a pas dérangée de rester chez moi. Jusqu’au dimanche dans la nuit, où j’ai été en grande détresse respiratoire. J’ai appelé le 15 qui m’a envoyé une ambulance, l’attente était terrible, puis j’ai été aux urgences et hospitalisée pendant trois jours. Cela fait douze jours que je suis rentrée chez moi, depuis le 25 mars, jour de l’anniversaire de ma mère. Grâce à Dieu j’ai été épargnée. Mais après ça, on est encore plus fragile psychologiquement, se retrouver dans une chambre d’hôpital toute seule… le personnel qui jetait son tablier dans la poubelle en sortant de ma chambre… c’était affreux. Et puis maintenant je suis seule ici, avec mes souvenirs de l’hôpital. Mais bon il faut positiver et se dire que des gens sont plus malheureux que moi. Mais c’est une période pas facile. 

Le personnel qui jetait son tablier dans la poubelle en sortant de ma chambre… c’était affreux. Et puis maintenant je suis seule ici, avec mes souvenirs de l’hôpital.

Je vis dans un appartement en angle qui a cinq fenêtres, il est lumineux, j’ai fait faire des travaux, je m’y sens bien.  J’ai pas envie de faire de piano alors que j’en ai deux chez moi, pas envie d’écouter de musique non plus, je me sens pas suffisamment libre dans ma tête, pourtant j’aime ça. Je suis stressée, pas tranquille. J’ai du mal à me concentrer pour lire un bouquin, du coup je lis des magazines, des articles scientifiques sur le coronavirus et sur d’autres choses. Je me fais un peu de cuisine, de la pâtisserie J’écoute la radio, des choses un peu légères. Je m’informe par la télé, BFM TV, beaucoup d’interviews, de journaux, des tables rondes, on ne parle que de ça. Mais trop d’info tue l’info, on est envahis, c’est très anxiogène. Heureusement qu’il y a des chaines de culture gé et des docus. Là je regarde sur la 5 une émission « Les 100 lieux à voir ». Les journaux me manquent aussi, la presse à côté de chez moi est fermée.

Depuis trois jours je fais des mouvements de qi gong, des massages du visage et de la tête, de la relaxation, c’est bon pour les défenses immunitaires. Après je vaque à droite à gauche, sans être concentrée sur une chose, j’ouvre ma fenêtre qui donne à l’ouest, je me mets au soleil, c’est assez léger comme vie. J’essaye de pas trop ruminer et puis d’appeler les amis même si beaucoup sont en télétravail, je ne peux pas les déranger tout le temps. Le soir parfois des amis appellent. 

Je vaque à droite à gauche, sans être concentrée sur une chose, j’ouvre ma fenêtre qui donne à l’ouest, je me mets au soleil, c’est assez léger comme vie.

Le coté positif de ce confinement c’est que ça permet de se concentrer sur soi, de faire le point, de faire les choses qu’on a pas le temps de faire, qu’on aime faire chez soi, qu’on fait pas forcément quand on est libre. J’ai commencé à nettoyer mon appartement mais je ferai au fur et à mesure en fonction de mon état de santé et de mon énergie. J’en ai pas toujours, ça dépend du moment de la journée, parfois je suis très fatiguée le matin, c’est fluctuant. Si on vit le confinement de manière sereine, même si on manque de liberté, on a le choix du repos. Ce qui est aussi positif c’est que quand ça finira, on pourra réaliser les projets qu’on formule maintenant. J’ai envie de partir en Russie, j’essaye de regarder les différentes possibilités pour y aller.
La liberté de sortir c’est ce qui me manque le plus, faire ce que j’ai envie de faire, aller au ciné, aller me balader, aller à l’église, suivre la messe avec les autres paroissiens. J’ai vu la newsletter de Notre-Dame de la Croix de Ménilmontant, pour suivre la semaine sainte, j’ai commencé à la suivre. Le sport aquatique me manque, les concerts de musique de jazz… vivre quoi, normalement. Chez soi tout le temps c’est très dur. Et puis voir mes amis à l’extérieur. Vivre, vivre, là c’est une parenthèse difficile et le plus dur pour moi, mais tout le monde est pareil, c’est de pas savoir quand ça va finir. 

Quand ce sera fini, j’irai remercier Dieu de m’avoir sortie d’affaire en allant faire une petite prière à l’église. J’irai me trouver un film qui me plait à aller voir au ciné.

En même temps on prend conscience qu’on a de la chance de vivre dans un monde qui offre malgré tout beaucoup de choses positives. La vie est quand même belle, le fait de retrouver la liberté, c’est précieux. La vie est précieuse. Demain on sera peut-être plus positif avec les autres. Je remarque autour de moi, il y a une énorme solidarité entre les gens, je le sens à 20H quand on applaudit le personnel médical et tous les gens qui doivent travailler pour le bien-être des autres. On profitera encore plus de la vie après le confinement, de tout ce que la vie nous offre, on aura eu de la chance de s’en sortir, on aura davantage conscience de la liberté et de la beauté de la vie. 

Quand ce sera fini, j’irai remercier Dieu de m’avoir sortie d’affaire en allant faire une petite prière à l’église. J’irai me trouver un film qui me plait à aller voir au ciné. Puis retrouver mes habitudes passées, faire de l’aquagym, aller à un concert, enfin faire tout ce que j’ai pas pu faire. J’ai juste hâte que ça se termine. 


Portrait réalisé par Camille Oardă
Témoignage recueilli par Constance Gros