Dorothy Day et la pauvreté

Dorothy Day et la pauvreté

Conférence au Dorothy (11 octobre 2018)
Cycle découverte de Dorothy Day

Jeudi 11 octobre nous avons parlé de Dorothy Day et de ce qu’elle a vécu et pensé sur la pauvreté. Dorothy Day (1897-1980) journaliste de vocation, a été une militante  pour la justice toute sa vie, d’abord fortement influencée par la pensée marxiste, puis, après sa conversion, mue par l’Evangile, qu’elle s’est donné pour mission de mettre en pratique. Fortement marquée par les idéaux pacifistes et anarchistes dans lesquels elle a baigné pendant sa jeunesse à New York, elle a fondé le Catholic worker, un journal dédié à la diffusion de la pensée sociale de l’Eglise, qui s’est transformé très vite en un réseau de maisons d’hospitalité pour les sans-abris, aux Etats-Unis, et qui existent aujourd’hui dans 27 pays à travers le monde.

Grande lectrice et admiratrice de Saint François d’Assise, Dorothy voyait la pauvreté volontaire comme un moyen de refonder une société fondée sur l’Evangile : seule une adhésion pleine et entière à la pauvreté au sens franciscain, c’est à dire la sobriété qui rend heureux, joyeuse et contemplative, peut permettre de retrouver le sens de la communauté et de proposer des formes de vie sociale susceptibles de rendre bons les hommes.

Mais peut-on vouloir que les autres soient pauvres aussi ? Non, au contraire, il faut lutter contre la pauvreté subie. Durant toute sa vie D.D a cherché à établir ce qu’elle appelle une “Philosophie du travail”. La misère matérielle commence souvent par l’aliénation au travail, et conduit à la misère spirituelle. Ce n’est évidemment pas la misère que Dorothy défend comme mode de vie : vivre pauvre au sens franciscain, ce n’est pas mourir de faim, ni être dans le besoin permanent. C’est une pauvreté où le nécessaire est comblé : un travail, une famille, une terre à cultiver, de quoi se nourrir. C’est un anti-capitalisme radical, ou plutôt un anti-consumérisme, c’est l’appel radical de l’évangile et de St Paul que Dorothy prend à la lettre et, fait rare parmi tous les théoriciens anarchistes, qu’elle a mis en pratique.

À quoi bon la théologie politique ?

À quoi bon la théologie politique ?

Conférence du professeur Bernard Bourdin au Dorothy (4 octobre 2018)
Cycle Théologie Politique

Un cycle de conférences sur le thème de la théologie politique. Qu’est-ce à dire ? En tant que chrétiens, nous nous posons la question de l’articulation entre notre foi et nos choix politiques, entre la religion chrétienne et les pouvoirs publics. Être chrétien, c’est se sentir responsable de son prochain et donc investi dans la vie politique. Mais c’est aussi reconnaître comme seul vrai pouvoir celui de Dieu : aussi le christianisme a une vertu subversive face aux pouvoirs politique, que nous pouvons avoir tendance à oublier, et que certaines théories politiques ont pu totalement occulter. Nous ne sommes plus à l’ère de la théocratie ; au contraire nos démocraties libérales se présentent comme neutres, avec comme seule “valeur” consensuelle les droits de l’homme. Pourtant, n’y aurait-il pas des restes de sacralité dans nos institutions “neutres”? Est-ce que le capitalisme que nos Etats semblent encourager ne cherche pas à prendre possession de nos corps et de nos esprits, comme une autre forme de divinité ? Pour éviter cette aliénation inconsciente, faut-il faire ressortir Dieu de la sphère privée ? Et si oui, comment, par quels moyens, dans quel but ?

“Le christianisme est une éthique, pas une politique”

La première conférence nous a été proposée par Bernard Bourdin, professeur à l’Université catholique de Paris, sous le titre “A quoi bon une théologie politique ?” Le professeur Bourdin a commencé par mettre en valeur la déchirure chez le chrétien d’aujourd’hui entre sa dimension de croyant, qui place Dieu au centre, et sa dimension de citoyen, dans des États qui se présentent comme métaphysiquement neutres. Pour faire face à ce conflit, il nous a proposé sa solution d’un “civisme chrétien”, consistant à s’engager pour le bien commun en défendant la démocratie libérale qui est la nôtre. Car pour lui, cette forme politique qu’est la démocratie libérale, est indépassable : elle est née dans les sociétés de culture chrétienne, à la suite du Christ qui a refusé la royauté et le pouvoir politique. De même que Dieu laisse sa liberté à l’homme, un régime politique chrétien est un régime qui laisse sa place à la liberté de conscience personnelle. Pour autant, cela ne revient pas au relativisme et à dire que toute référence à une vérité transcendantale est inutile et à bannir dans le cadre politique : au contraire, comme le dit Tocqueville, la religion apporte de la stabilité à la démocratie. Alors le rôle du chrétien est de féconder le débat public en y apportant l’éthique évangélique. Car le christianisme est une éthique, pas une politique. Le cadre des Etats-nations est idéal pour un chrétien puisqu’il propose de dérouler un discours universel dans un espace particulier (la nation), avec sa culture propre, son histoire, ses traditions. S’en est suivi un débat virulent sur “la nation”, vue comme une nécessité par le professeur Bourdin, mais critiquée comme un archaïsme non nécessaire (voir dangereux) par une partie du public. Un débat qui devrait se prolonger pendant les prochaines séances…

Nos conseils de lecture pour approfondir :
Saint Augustin, Cité de Dieu
Emilie Tardivel, Tout pouvoir vient de Dieu – un paradoxe chrétien


Cycle “Agriculture industrielle”

Cycle “Agriculture industrielle”

L’agriculture face aux normes – jeudi 13 septembre 2018

Avant-guerre, l’agriculture était le secteur d’activité le moins encadré normativement. Désormais, il est le plus contrôlé et le plus réglementé. La traçabilité a remplacé la proximité. Mise aux normes des effluents de fromagerie, mise aux normes des bâtiments d’élevage, mise aux normes des produits fermiers ; si la standardisation a apporté le progrès pour la santé, elle a, dans le même temps, profondément changé l’exercice du métier pour les paysans devenus exploitants agricoles. Michel Cucherousset, éleveur sur la zone AOC Comté du Jura, témoigne de cette transformation qu’il a vue à l’œuvre dans les quarante dernières années. Thierry Bergier (du cabinet Afnor, association française de normalisation) et Stéphanie Barral (chercheuse à l’INRA) relaient eux aussi ces grandes mutations du monde agricole, vues depuis leurs postes d’observation et de travail. La discussion a permis de fournir des explications et points de repère historiques mais aussi de laisser de l’espace pour réfléchir à un avenir débarrassé des impasses du modèle productiviste : dépasser le capitalisme, est-ce que
cela veut dire se passer des normes ?

Agriculture et numérique – jeudi 15 novembre 2018

Lucile Leclair, membre du Dorothy et journaliste indépendante, auteure du livre Les Néopaysans, a réuni trois intervenants sur le sujet : Michel Dubois, philosophe et ingénieur ; Etienne Achille, du ministère de l’Agriculture ; Hervé Pillaud, agriculteur et auteur d’Agronumericus.

1/ Révolution
Le numérique a transformé et transforme la vie des agriculteurs, avec des outils très utiles (« j’ai mon exploitation dans la poche », a expliqué Hervé Pillaud). Mais la technique est bonne si l’agriculteur est bon lui aussi : par exemple, un robot de traite peut faire des miracles… à condition que l’agriculteur connaisse bien ses bêtes, qu’il ait de l’empathie, qu’il prenne le temps de bien observer leurs modes de vie. Si on compte sur la technique pour remplacer la connaissance, on court à la catastrophe. Ce qui change la vie des agriculteurs avec les outils numériques, c’est le rapport au temps. On va aujourd’hui vers le tracteur autonome par exemple. Une nouvelle agriculture ne remplace jamais tout à fait l’ancienne (on retrouve des endroits où tout est fait à la main). Notre monde agricole est comme un empilage de techniques et de savoir-faire qui proviennent d’époques très différentes.

2/ Risques
Ce qui est arrivé à la banque il y a dix ans peut arriver au monde agricole : un petit nombre de personnes maîtrise les données et les algorithmes permettant de les traiter => financiarisation de l’agriculture. Google s’intéresse beaucoup aux données stockées par les agriculteurs (« farmer network », plateforme d’échange de semences). La richesse est dans ce
savoir, ce stock de données. Aussi y a-t-il également le risque de voir des données qui devraient appartenir à tous (biens communs) être récupérées par quelques entreprises.

3/ Perspectives
De nos jours, de plus en plus de monde veut savoir d’où vient ce qu’il mange, et de plus en plus de jeunes urbains ont envie de se reconvertir, en réfléchissant beaucoup aux pratiques (permaculture par exemple). Le rural va sans doute reprendre beaucoup d’importance dans les décennies à venir.

La mobilisation contre le projet de la zone commerciale et de loisirs Europa City – jeudi 15 novembre 2018
Le Dorothy accueillait Eric, opposant au projet EuropaCity, Yannick Sencébé, sociologue et Clément et Sam, militants écologistes et parties prenantes du quartier libre des Lentillères, à Dijon (7ha de terres cultivées et d’habitations dans la ville, lieu d’expérimentation de pratiques sociales et politiques nouvelles). Le contexte général : le fait principal, c’est l’étalement urbain. L’équivalent d’un département est bétonné en France tous les 7 ans. Il y a un grignotage des terres agricoles, ce qui limite la possibilité d’une réelle souveraineté alimentaire locale. Une logique de domination villes/campagnes semble s’être installée. Aujourd’hui, 10% du territoire est
urbanisé (en comptant les habitations évidemment mais aussi les routes, les commerces, etc). La forêt résiste mieux que les terres agricoles à la logique de l’urbanisation, laquelle repose sur la croissance d’espace urbain/habitant (fondée sur l’idéal de l’habitat individuel, qui est la
raison principale de l’artificialisation, juste devant la création des zones commerciales). La forêt va être le prochain type de territoire auquel la logique d’urbanisation va s’attaquer. Infos générales sur les enjeux autour d’EuropaCity : 700ha de très bonne terre pour l’agriculture que le groupe AUCHAN (soutenu par les pouvoirs publics dans le cadre du projet du Grand Paris) veut transformer en un immense parc de loisirs et centre commercial. 3 milliards d’investissements. C’est le plus gros projet privé depuis WaltDisney, et s’appuie sur une logique de hors sol mâtiné de « green ». Le collectif contre le projet existe depuis 2010. Or, il existe un projet alternatif porté par ce Collectif : faire de ces 700ha un lieu de
maraichage qui produise local et bio pour les cantines et les hôpitaux du coin. Ce serait comme un laboratoire maraicher, s’inspirant des ceintures maraichères avant le XXe, autour des grandes villes. Le Collectif a besoin d’aide pour avoir une chance de gagner la lutte.

Pour aller plus loin, suivre le Collectif pour le Triangle de Gonesse sur les ré seaux ou sur leur site, nonaeuraopacity.com

Royaume pour notre temps

Royaume pour notre temps

Article de Paul Colrat et Foucauld Giuliani
membres du Simone et du Dorothy
2017

Nous sommes admiratifs de Dorothy Day car nous reconnaissons en elle une personne qui, sa vie durant, a incarné les paroles du Christ. En se mettant à son écoute, nous devenons confiants parce que nous constatons que cette option radicale en faveur de Dieu est féconde en vraie joie, en solides liens d’amitié et en combats pour des causes justes : la prise au sérieux de l’Evangile ne condamne pas à l’isolement et au malheur.


Dorothy Day a accepté que sa vie soit bouleversée de fond en comble par sa conversion au Christ. A ses yeux, le Christ est d’abord ce paradoxe vivant d’un Dieu qui meurt mais qui sauve, d’un Dieu qui nous permet de surmonter les terribles gouffres du désespoir existentiel et du ressentiment
improductif contre un monde injuste. Le Christ est également Celui par lequel s’expriment des paroles au potentiel réellement transformateur, des paroles appelées à devenir des actes révolutionnaires. Etre catholique, c’est donc non seulement avoir foi dans le pouvoir salvifique du Christ mais aussi agir de façon à rendre visible la grâce libératrice de Dieu à l’œuvre dans l’histoire. La tâche de l’Eglise et des catholiques consiste à essayer
d’être les véhicules de cette grâce débordante et de devenir en cela «ouvriers du Royaume». Pour Dorothy Day, le Royaume n’est pas un
espace extra-terrestre qu’on projetterait de façon plus ou moins imaginaire mais bien plutôt l’expérience existentielle de la communion avec Dieu et entre les hommes. Cette expérience se vit dès à présent et elle est vécue de toute éternité.

“Le Christ est également Celui par lequel s’expriment des paroles au potentiel réellement transformateur, des paroles appelées à devenir des actes révolutionnaires.”

Pour elle nous devons tout donner. Etre croyant signifie organiser son existence de façon à rendre l’expérience de la communion accessible et
palpable. A partir de sa conversion, le souci constant de Dorothy Day et de son fidèle allié le « paysan et philosophe » Peter Maurin est d’œuvrer en ce sens. De cette ambition découlent l’organe de presse The Catholic Worker dont la mission principale est de diffuser la Doctrine Sociale de l’Eglise et de contribuer à la mobilisation sociale et le réseau des Housesof Hospitality, lieux de vie et de ressourcement pour des activistes et des pauvres.

On haussera peut-être les épaules : « Dorothy Day était d’une autre époque et d’un autre pays… » Nous pensons quant à nous que son approche de la politique peut nourrir notre engagement et notre pensée, ici et maintenant. Day développe une approche originale de l’activité politique. Plutôt que de la penser comme conquête et pratique du pouvoir institutionnel, elle nous invite à la concevoir d’abord comme mobilisation permanente contre les excès et les abus de pouvoir. Ceux-ci sautent aux yeux pour peu que l’on mesure l’écart entre ce qui est fait et ce à quoi nous appelle l’Evangile.

Une telle compréhension de la politique explique que la dénomination « d’anarchiste » soit si fréquemment utilisée à son égard. Pourtant, la Doc-
trine sociale elle-même souligne que les croyants ont « un devoir de dénonciation en présence du péché » et que « cette dénonciation se fait jugement et défense des droits bafoués et violés, en particulier des droits des pauvres, des petits, des faibles ». De la dénonciation des meurtres commis dans le cadre des guerres au nom de la sécurité de l’Etat jusqu’à la défense des paysans sans terre, Dorothy Day écrit et lutte inlassablement sans que jamais son activité politique n’atténue son désir de vie intérieure. En elle se conjuguent harmonieusement les figures de la combattante et de la priante. Cette vision de la politique, qu’il est tentant de réduire au rang de simple discours critiquecontre le pouvoir, s’accompagne de ce qu’on pourrait appeler une intelligence de l’événement. Dorothy Day est en cela proche d’Emmanuel Mounier, le fondateur du personnalisme, quand il affirme : « L’événement sera notre maître intérieur ». Plutôt que de définir la politique comme l’application d’un programme idéologique, il s’agit de la penser comme la capacité de réagir collectivement à ce qui survient sans crier gare. Une crise économique et voilà des milliers de personnes qui dorment dehors… Une déclaration de guerre et voici des avis de mobilisation accrochés sur les murs… Que faire devant de telles catastrophes dont le premier effet est de paralyser l’imagination ? Il est possible de se préparer à de semblables événements pour repousser le piège de la passivité. Non pas en pariant sur l’avenir et en perdant son temps en analyses prédictives mais plus simplement en lisant, en discutant et en prenant soin de ceux qui souffrent tout près de nous. Journaliste passionnée de littérature, Dorothy Day a toujours souligné l’importance des moments passés en commun à réfléchir et à débattre. Dès le début, les maisons de l’hospitalité ouvertes par le mouvement Catholic Worker sont conçues comme des lieux de vie où le soin apporté à la satisfaction des besoins quotidiens ne fait pas négliger la pensée des enjeux de l’histoire présente. Aux yeux de Peter Maurin, les repas partagés sont les ferres de lance des mobilisations vigoureuses.

Ici s’ébauche une forme de vie communautaire qui vient en appui d’une action politique originale. Dorothy Day conçoit la communauté non pas comme un obstacle aux libertés individuelles mais comme un milieu vivant fait de liens d’amitié où les personnes peuvent être considérées, restaurées,
aimées. Les maisons de l’hospitalité, à la fois lieux d’accueil et d’hébergement pour des personnes en difficulté et lieux de formation politique, sont le signe d’un engagement qui se juge à sa capacité d’at-
tention envers les exclus. Les exclus, ce sont d’abord, par excellence, ceux qui demeurent hors du champ de la politique. C’est à partir d’eux que la politique doit être pensée et pratiquée. En donnant aux paroles de l’Evangile la première place et en insistant sur le sens de la commu-
nion, le mouvement Catholic Worker se prémunit contre toute dérive communautariste : le catholicisme est par essence attaché à l’universel et c’est pour cela qu’il est en mesure de rencontrer l’altérité. Les maisons de l’hospitalité accueillent tout type de personnes.

En quoi tout cela peut nourrir un engagement pour notre temps ? En ouvrant Le Simone, à Lyon, et Le Dorothy, à Paris, nous tentons de mettre
en pratique la Doctrine sociale. On sait à quel point la conception chrétienne du travail est originale. Tout en mettant l’accent sur le potentiel émancipateur du travail, elle met en garde contre le risque d’idolâtrie du travail et insiste sur l’importance des bonnes conditions de travail.
Le Simone propose un coworking et Le Dorothy des ateliers pour artistes et artisans. Ces espaces de travail, en ce qu’ils sont jouxtés, dans les deux cas, par des cafés associatifs où se déroulent différentes activités (conférences, expositions, concerts, groupes de prière, cours de français, accueil de personnes sans papier…), sont donc intégrés à un lieu qui déborde le seul cadre professionnel.

Au-delà de cette tentative d’assurer un service économique contemporain, nous voyons Le Simone et Le Dorothy comme des lieux où s’élaborent, à la croisée de différents mondes, des réflexions sur les grands enjeux de notre époque. Cette exigence de formation débouche naturellement sur le désir de faire du Simone et du Dorothy des lieux transformateurs où l’on peut venir puiser des relations, des idées et des engagements inspirants. Sans cette double vocation intellectuelle et relationnelle, nous n’aurions pas pu, par exemple, organiser, en juillet 2016, dans la foulée de l’assassinat du père Hamel et en partenariat avec des associations musulmanes, la Marche de la fraternité. De même, pour prendre au sérieux les incitation écologiques émises par le pape François dans l’encyclique Laudato Si et redécouvrir le sens chrétien de la création, quoi de mieux que de procéder à partir d’une communauté d’amitiés ? On se transforme d’autant mieux soi-même qu’on combat avec les autres. Finalement, nous avons la certitude que le messianisme biblique et évangélique est le meilleur récit politique pour notre époque saturé par les idolâtries, les fausses révolutions et les déclarations répétées de crise générale. Nous sommes en train de nous organiser pour témoigner du fait que les catholiques, en politique, ont mieux à faire que de créer des partis pour conquérir le pouvoir. Ils ont, dans ce domaine aussi, un acte de foi à poser : croire en la folle possibilité, pour un Dieu bon, de rejoindre dès à présent les hommes dans leur histoire. Grâce à Dorothy Day et quelques autres, l’accusation d’idéalisme tombe à tout jamais dans le néant. Nous savons qu’ils ont su donner au Royaume la chance d’apparaître fragmentairement.

Paul Colrat et Foucauld Giuliani, membres du Simone et du Dorothy, 2017

Dorothy Day, une figure inspiratrice

Dorothy Day, une figure inspiratrice

Qui est Dorothy Day, notre figure inspiratrice ?

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Au lancement du projet, nous avons décidé de placer notre futur café-atelier sous le patronage d’une figure catholique inspirante ayant œuvré pour le bien commun et pensé la question du travail. Les noms de Madeleine Delbrel, Gustave Thibon, Emmanuel Mounier ou encore Joseph Folliet ont été évoqués mais après un vote démocratique, c’est le nom de Dorothy Day qui a été retenu pour donner son prénom au « Dorothy ».

Encore très peu connue en France, Dorothy Day (1897- 1980) est une figure majeure de la société civile américaine et du catholicisme social. Personnalité paradoxale en apparence, elle commence sa vie comme journaliste, notamment au côté de penseurs socialistes et communistes avec qui elle gardera des liens toute sa vie. Après sa conversion en 1926, elle cherche un moyen de mettre en pratique l’Évangile sans renier son désir de révolution. Elle rencontre Pierre Maurin, un paysan français et vagabond, qui fondera avec elle le mouvement des Catholic Worker. Ce mouvement repose sur un journal qui diffuse leur pensée et des maisons d’hospitalité qui fleurissent dans les quartiers pauvres des grandes villes des Etats-Unis.

Après la Grande Dépression et le combat de la misère, Dorothy Day mènera le mouvement vers d’autres luttes : le refus de participer aux guerres mondiales, la sensibilisation aux injustices sociales, l’éveil à une conscience écologique … Celle qui fut journaliste, essayiste, scénariste pour Hollywood, militante, est avant tout une contemplative tirant sa force de la prière et de la lecture des œuvres des saints. Elle guide sa vie selon deux préceptes : le premier est que tout homme est en pèlerinage vers le Paradis, le deuxième est que l’Eglise Catholique doit faire au monde son programme social. Jusqu’à sa mort, Dorothy Day verra le combat social et la prière comme deux réalités indissolubles. En voie de béatification, la « Servante de Dieu », comme l’a reconnue le Vatican en 2012, aura connu les joies et les douleurs du mariage, de la séparation et de l’accouchement, les épreuves de la pauvreté, la souffrance des sarcasmes et des moqueries, l’opposition de certains de ses amis catholiques, mais nous laisse une parole prophétique qui résonne tout particulièrement avec notre projet parisien : « Nous n’avons pas le droit de nous arrêter et de nous sentir désespérés. Il y a trop à faire. »