Le Dorothy vous invite cette année à un cycle de soirées autour des théologies chrétiennes et musulmanes. Si les mots sont parfois communs entre le christianisme et l’islam, désignent-ils pour autant les mêmes choses ? Les différences permettent-elles d’éclairer nos pratiques et notre foi ? Avec nos intervenants, nous aborderons quatre concepts centraux de ces deux théologies : l’amour, la création, la prière et la justice. Ensemble, nous chercherons à confronter les conceptions dans leur ressemblance et leur différence, leur interaction et intrication, afin de mieux comprendre la singularité de chaque approche et d’ouvrir une discussion joyeuse et passionnée.
Ce cycle est organisé en lien avec l’association culturelle et spirituelle Les Salamalecs.
LA CRÉATION
À partir d’une lecture de textes sacrés et à la lumière des exégèses juive, chrétienne et musulmane, nous tenterons une détermination philosophique du concept de création : que signifie “créer” dans la Bible et le Coran ? L’acte de création est-il comparable à celui de fabrication ou de production ? Est-ce un acte propre à un Créateur divin et unique ? Et que signifie cet acte pour nous aujourd’hui ? Sommes-nous à notre tour appelé.es à créer ?
Intervenants : Mohamed Larbes, diplômé de philosophie (Sorbonne), et Thomas Sentis, doctorant en philosophie (École polytechnique).
Illustration : Adam honoré par les anges, miniature perse, XVIe siècle.
Louis Massignon (1883-1962) fut à la fois un islamologue catholique fondateur de l’islamologie française, un mystique ardent et l’un des précurseurs du dialogue islamo-chrétien. Or, l’année 2022 a été « massignonienne » à plusieurs titres : cela fait 60 ans qu’il est mort, il soutint sa mémorable thèse consacrée au mystique soufi el-Hallâj en 1922, thèse qui fût elle-même déposée en Sorbonne 1000 ans jour pour jour après la crucifixion de Hallâj à Bagdad en 922 ! De plus, son mentor spirituel, Charles de Foucauld, a été canonisé en mai dernier.Au-delà de ces potentiels « intersignes » auxquels ce savant et mystique était hautement sensible, les débats contemporains autour des relations entre Orient et Occident, islams et christianismes, hospitalité et « fermeture des frontières », rendent la pensée de Louis Massignon d’une brûlante actualité.
L’anthropologue Manoël Pénicaud (CNRS) viendra nous présenter son dernier ouvrage : Louis Massignon. Le « catholique musulman » (Bayard, 2020, Prix Lyautey 2021 et Mention spéciale du prix de L’Oeuvre d’Orient). Cette biographie renouvelée, dont le titre est tiré d’une formule de Pie XI, permet de traverser la vie de ce personnage hors du commun et oublié du grand public. Comment retracer l’itinéraire singulier de celui qui fut étudiant à Al-Azhar, militaire, professeur au Collège de France, expert diplomatique, militant pour la non-violence gandhienne, disciple de Foucauld et fondateur d’un pèlerinage islamo-chrétien en Bretagne ? Que peut nous dire aujourd’hui ce grand témoin et acteur du XXe siècle ? Avec Manoël Pénicaud, chargé de recherche au CNRS (Idemec, Aix-Marseille Université), biographe de Louis Massignon et commissaire d’expositions.
L’artiste Anna Graham jouera après la conférence plusieurs morceaux dont la Gwerz Ar Seiz Sant (la Complainte des Sept Saints). Il s’agit d’un morceau composé de 54 strophes qui raconte minutieusement l’histoire miraculeuse des sept saints d’Éphèse et décrit la construction miraculeuse d’une chapelle « sans chaux, sans argile, sans marteau ni secours d’aucun homme ». Louis Massignon y a vu un lien avec la sourate 18, Al Kahf (La Caverne) qui évoque également le miracle des Sept Dormants.
Artiste autodidacte, Anna Graham est chanteuse et compositrice. Bercée par la culture bretonne et plus largement celtique, attirée par les Arts sacrés, elle a mis au point un répertoire de cantiques bretons et de chansons traditionnelles interprétés à la guitare et la voix. Elle a publié deux albums et a récemment joué à l’Institut du monde arabe.
Nathalie est cofondatrice de Reconnaissance, association de parents et proches chrétiens d’enfants homosexuels. Elle nous parlera de son parcours personnel, de la manière dont la présence de l’homosexualité dans son milieu familial a changé sa vision de cette réalité, son lien à l’Église, et comment elle en est venue à cofonder Renaissance.
Pour ce quatrième et dernier épisode de notre cycle de conférences sur la guerre, nous recevons Claude Serfati, économiste, qui vient de publier L’État radicalisé. La France à l’ère de la mondialisation armée (La Fabrique, 2022). Dans ce livre, Claude Serfati présente la réalité économique de l’industrie de l’armement en France. Si les engagements militaires de la France (Sahel, Centrafrique, Syrie entre autres) représentent un coût substantiel, ils constituent aussi, au côté des exportations, un débouché vital pour l’industrie française d’armement. Ce tissu industriel, qui mêle grands groupes et petites entreprises spécialisées, apparaît à la fois comme un atout technologique et stratégique et comme une grande machine qu’il faut alimenter sans cesse. Au Dorothy, Claude Serfati s’interrogera avec nous sur ce qu’il analyse comme une “addiction” de la France à l’industrie de l’armement, sur les choix qui s’offrent à nous à l’heure de la guerre en Ukraine, et le devenir de la démocratie au regard de cette donne économique et géopolitique.
Pour cette troisième conférence de notre cycle sur la guerre, nous recevons Dominique Lang, prêtre et journaliste pour La Croix, de formation scientifique. Fin observateur des enjeux géopolitiques actuels, il analysera avec nous la position du pape François sur la guerre, le chemin qu’il propose vers la paix, et la possibilité ou l’impossibilité d’une guerre juste. Si le pape a signé l’encyclique Fratelli Tutti en 2020, la nouvelle donne géopolitique change-t-elle notre rapport à la guerre ? Autrement dit, faut-il aujourd’hui prendre les armes pour avoir et faire la paix, ou faut-il plutôt, comme le préconise François en citant Augustin, chercher “la paix par la paix et non par la guerre” ?
Pour cette deuxième conférence de notre cycle sur la guerre, nous recevons Ninon Grangé, philosophe, maîtresse de conférences à l’université Paris 8, pour parler du concept de guerre. Si la guerre apparaît comme le déchaînement de toutes les forces disponibles, elle semble tout de même obéir à des lois, qu’elles soient naturelles, stratégiques, politiques ou morales. Mais alors, y a-t-il de bonne guerres et de mauvaises guerres ? Le concept de “guerre juste” a-t-il un sens ? Et surtout, peut-on donner des limites à la guerre ?