Présentation :Le Dorothy était très heureux d’accueillir en début d’année 2019 le subtil et sympathique chercheur Hamit Bozarslan. Il est spécialiste des Kurdes, de l’usage étatique de la violence ainsi que de l’histoire de la Turquie. En plus d’être un passionnant conférencier, c’est un homme d’une simplicité attachante qui tient à payer sa consommation au bar “pour aider l’association” ! Merci, Monsieur !C
Le succès de l’AKP en Turquie reposait sur l’alliance de plusieurs classes aux intérêts pourtant contradictoires :
– la bourgeoisie puritaine : cette bourgeoisie pieuse s’était épanouie sous l’AKP, grâce aux investissements colossaux du gouvernement dans le bâtiment et les travaux publics (BTP) (cf. TOKI) et le secteur des mines. Cette classe sociale s’était lourdement endettée, ce qui était à l’origine d’une bulle financière;
– les couches défavorisées de la population : le gouvernement avait instauré un véritable système de solidarité proche du clientélisme pour aider ces personnes (soupes populaires, mariages collectifs payés par le gouvernement etc.), grâce à un maillage local étroit des sections du parti. Cela entretenait l’idée selon laquelle la réponse à la pauvreté n’était qu’une question de charité, et non de répartition des richesses ou de politique économique.
– les classes moyennes “turco-sunnites” , à qui le régime avait donné des sources de fierté, en convoquant un héritage historique ottoman et islamique au service du récit national turc.
R.T Erdogan avait habilement transformé plusieurs crises en opportunités pour consolider son pouvoir et “l’allégeance” de la population turque à l’AKP : les protestations du parc Gezi au printemps 2013, la rupture progressive avec la confrérie de Fethullah Gülen à partir de décembre 2013, le conflit syrien, et enfin la tentative avortée de coup d’Etat le 16 juillet 2016. Ces différentes crises permettaient de fabriquer en permanence des ennemis, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs et cela renforçait le président turc.
Pour Hamit Bozarslan, l’islamisme turc trouvait sa source dans plusieurs temporalités :
– le temps long de l’empire ottoman, pendant lequel l’idée d’une “mission impériale universelle” au service de la propagation de l’islam s’était enracinée. Durant cette période, et même si l’empire ottoman était multiconfessionnel, la “turcité” avait commencé à s’affirmer, par contraste avec les populations arabes et kurdes. On pouvait observer aujourd’hui une “nostalgie impériale” en Turquie, comme en témoignaient le succès du référentiel ottoman par rapport au référentiel républicain.;
– à ce temps “béni”, dans le récit islamique, avait succédé le temps des trahisons :
(i) la trahison par les réformes qui avaient modernisé l’empire ottoman durant la période 1839-1876 (les Tanzimat). Ces réformes avaient été vécues comme une trahison au bénéfice des puissances étrangères qui souhaitaient voir l’Empire s’occidentaliser. La Première guerre mondiale était ainsi perçue comme l’apogée de cette trahison. Passant sous silence qu’elle était avant tout une guerre civile européenne, R.T Erdogan présentait cette guerre comme ayant pour but ultime la destruction de l’Empire ottoman;
(ii) la trahison par les minorités de l’Empire (Grecs, Arméniens, Kurdes, Arabes, Albanais)
(iii) la trahison par les élites turques à partir de la fondation de la République, puisqu’elles s’étaient éloignées de la pureté de la “turcité”.
La démarche du président turc était donc aujourd’hui celle d’une reconquête de la pureté de la nation turque, qu’il fallait libérer de ces aliénations successives. Trois dates étaient au coeur de la stratégie de R.T Erdogan :
– 2023 : le centenaire de la fondation de la République turque. Cette date était étroitement associée à son fondateur, Atatürk, “père de la nation” turque (et par conséquent avec qui Erdogan était en concurrence historique)
– 2053 : le 600ème anniversaire de la fondation de l’empire ottoman
– 2071: le millénaire de la première victoire remportée par les Turcs seldjoukides, prélude à la fondation de l’Empire ottoman 400 ans plus tard. Un nouveau temps de domination millénaire allait commencer après cette date. Le président turc divisait ainsi la population entre “amis et ennemis de 1071”.
Dans ce contexte, quelle pouvait être la postérité du régime turc ?
La réponse était peut être d’abord économique : on pouvait se demander si l’économie turque allait pouvoir porter un tel projet à long terme. Le PIB diminuait et la bulle financière menaçait d’éclater.
Sur le plan diplomatique, Hamit Bozarslan n’était pas optimiste. Citant Raymond Aron, qui avait analysé l’attitude des démocraties face à la montée des totalitarismes, il a regretté “la lâcheté des démocraties”, qui, pour assurer leur sécurité, perdait leur honneur et manquaient cruellement de courage.
Il y avait pourtant matière à espérer en observant les résistances qui montaient dans le pays. Les Kurdes résistaient également sur le plan intellectuel et culturel. Les Turcs sunnites n’étaient pas en reste. Malgré les purges des enseignants, ces derniers résistaient en fondant des académies d’enseignement libres. Les juges et les procureurs écrivaient beaucoup.
Hamit Bozarslan a conclu en disant que R. T Erdogan connaissait un échec dans le domaine de la culture. Il n’avait pas réussi à susciter la culture et la création qui sont la marque des grandes civilisations, parce qu’une telle chose impliquait une certaine mélancolie et une déchirure, un rapport au monde non pas dogmatique mais “existentiel” , c’est à dire qui laisse transparaître une certaine fragilité.
Quelques membres de l’équipe ont profité du temps des vacances pour partir à la découverte de modes de vie sobres et joyeux : l’Arche de Lanza del Vasto proche de Quimper et la ZAD (Zone à défendre) de Notre Dame des Landes.
Après une traversée de la Bretagne en stop, le 3 janvier 2019, nous arrivons au Gwenvez, petit hameau de hangars en restauration et de maisonnettes de bois. Les sacs tout justes posés, la visite nous conduit dans un poulailler et s’achève dans la petite salle commune où commence la prière. Les derniers rayons du soleil éclairent une petite pièce chauffée au poile où siègent une table de bois, deux chaises et une gazinière. Nous nous mettons à genou autour d’une bougie. “Aujourd’hui c’est jeudi, nous prions pour les hindous” nous explique Robert. Déjà des questions émergent et nous ne manquerons pas de les poser durant le séjour au sein de la communauté.
L’Arche se situe au Gwenvez, à vingt minutes de Quimper. Composée de familles et de célibataires, la petite communauté marche dans les pas de Lanza del Vasto, philosophe italien. Après sa conversion au catholicisme, à la suite de la lecture de Saint Thomas d’Aquin et de quelques années de recherche de soi, il part à la rencontre de Gandhi en Inde «non par attrait pour les religions exotiques – je m’étais non sans peine converti à la religion de mes pères, mais pour apprendre à devenir meilleur chrétien ». À son retour, après la guerre, inspiré par le modèle de l’ashram, il fonde l’Arche. Pour lui, cet ilot de vie communautaire dans le désastre d’un monde de violence est semblable à l’Arche de Noé dans le Déluge. Cette vie simple est nourrie de la prière communautaire, du travail manuel, des arts et de la non-violence.
Après une première nuit reposante, le travail nous appelle. Il est temps d’enfiler bottes et gants et d’affronter le gel à la lueur du jour pour ramasser carottes et betteraves dans les champs. C’est l’occasion d’en savoir un peu plus sur la vocation de l’Arche et la vie de ses habitants. “Tout l’enjeu est d’être présent à ce que l’on fait, aux personnes qui nous entourent, à Dieu” explique Benoît en montant sur son tracteur. La cloche sonne, comme à chaque heure. C’est le rappel. Nous déposons outils et légumes et interrompons notre travail pour entrer dans un court instant de silence, à l’écoute de notre respiration, de notre état intérieur, de notre présence à la vie. “La méditation n’est pas la prière. C’est la première étape d’attention nécessaire pour entrer dans la prière” continue Benoît. Nous découvrons ici, au milieu des herbes odorantes, des matières, des goûts, des textures, des couleurs, que le réel et sa beauté sont bien plus perceptibles qu’en ville où rien ne semble nous rappeler que nous appartenons à la terre.
“La méditation n’est pas la prière. C’est la première étape d’attention nécessaire pour entrer dans la prière”
Les repas sont l’occasion de goûter à la grande satisfaction de déguster le fruit de notre travail. Nous sommes également touchés par la richesse, la joie et la simplicité qui se dégagent de ces visages qui ont choisi la pauvreté laborieuse en communauté, au plus près de la nature. Nous n’avons jamais entendu de leur bouche une parole négative à l’encontre de la société ou de nos modes de vies. C’est par un choix simple et communautaire, renouvelé chaque jour, que chacun avance vers une plus grande unité de vie. Découpe du bois, filage de la laine, confection des vêtements, construction des maisons, travail de la terre, préparation du pain… C’est à travers chacun de ces gestes, répétés sans cesse, que l’on redécouvre la joie d’apprendre et le sens profond des choses lorsqu’elles sont partagées avec d’autres. « Et que l’œuvre de mes mains prépare la tienne. Moi, tu le sais, je vais te prier avec mes mains dans le secret du travail et toi seul sauras mon secret. Et mon travail ce sera ton amour rendu visible. Seigneur, le murmure de mes heures, au rythme de la terre, transforme-le en musique. » écrivait Lanza. Leur plus grande joie c’est de constater que chaque tâche est une occasion d’apprendre, de découvrir plus précisément un cycle naturel, les caractéristiques d’une matière. Apprendre sans cesse et développer ses talents humains. Ce n’était pas le refus d’un monde mais le choix d’une vie pleine.
Le cœur léger et rempli de joie nous reprenons notre route en stop vers la ZAD de Notre- Dame-des-Landes. Nous traversons des petits villages, emmenés par de gentils conducteurs tout aussi curieux que nous de découvrir le bocage. Ce lieu symbolique d’opposition au modèle de croissance capitaliste et terrain d’expérimentation de nouveaux modes de vie a été le théâtre de nombreux affrontements avec les forces de l’ordre ces dernières années. Nous entrons dans la petite ferme de Bellevue où une dizaine de zadistes nous invitent à leur table. Forgeron, menuisier, boulanger, artisan, maraîcher, ces militants et anarchistes aux parcours singuliers ont développé un savoir-faire au sein de la zone et le mettent à profit les uns des autres. Chaque petite ferme s’organise en autonomie, entourée de ses habitants qui logent autour en caravane, tente, tipi, hutte ou yourte. Au sein de la ZAD s’est développé un bouillonnement de vie où chaque personne, selon ses désirs et aspirations, trouve une activité pour prendre part à cette économie non marchande. Nous sommes touchés par l’entraide entre les personnes et leur recherche sincère d’un autre mode de vie, de consommation et d’échange. Pour sortir du système de la valeur marchande, le logement et la nourriture sont à prix libre. Une boulangerie donne une fournée sur deux à une cantine qui aide des personnes dans le besoin, principalement des émigrés à Nantes.
Dans l’atmosphère surréaliste de ce corps de ferme, digne d’un repère de contrebandiers, on nous compte l’histoire du bocage, le projet d’aéroport, les expropriations, la fabuleuse mobilisation et les grandes heures de la ZAD au moment des affrontements. Début 2018 le projet d’aéroport à Notre- Dame des Landes est abandonné par le gouvernement. Les zadistes n’ont plus de légitimité à occuper ces terres. Un plan d’évacuation est lancé en avril mais n’aboutit pas. La préfecture lance alors un appel à projet pour confier les terres à des agriculteurs et faire rentrer les choses dans l’ordre. Les zadistes ne veulent pas en entendre parler. Ils ne veulent pas que ce bocage préservé depuis 50 ans soit intégré dans le système de l’agriculture conventionnelle. Ils désirent que la ZAD reste une zone d’expérimentation qui ne soit pas la propriété de quelques-uns, mais de tous, mise à disposition de tous. Ils créent un fond d’investissement pour racheter l’intégralité de la zone et commencer un projet rassemblant tous les mouvements de la ZAD.
C’est lorsque l’on parle d’unité que le bât blesse. L’opposition au projet d’aéroport avait permis de passer au-dessus des oppositions internes et de faire front commun contre les CRS, identifiés comme la main armée du gouvernement, au service d’une société de consommation. Maintenant que le projet est abandonné et qu’il faut travailler à une vision commune, les différences émergent et la convergence des luttes se transforme vite en luttes non-convergentes entre les vegan, les éleveurs, les agriculteurs, les cueilleurs, les pro-technologies et les décroissants… Les zadistes ne veulent pas d’une société autoritaire, où un individu ou un groupe impose son point de vue aux autres. Chacun doit pouvoir être libre de son action et de sa destinée.
Ils désirent que la ZAD reste une zone d’expérimentation qui ne soit pas la propriété de quelques-uns, mais de tous, mise à disposition de tous.
Mais comment concilier ce désir d’autonomie avec la vie commune que semblent choisir les habitants de la ZAD ? Cette volonté d’auto-gestion peut-elle se réaliser, au-delà d’un petit groupe à une si grande échelle en conciliant toutes les volontés ? Qui sait. Ceux qui sont restés veulent préserver cet esprit : “Le 17 janvier va être un an depuis l’abandon de l’aéroport. Ce jour où on a appris que ce territoire qu’on a défendu toutes ces années ne va finalement pas finir sous une grosse couche de béton. Ce jour où on a vu les efforts d’un mouvement aussi divers que déterminé finir avec une victoire, partielle certes mais quand même. L’année qui a suivi cette date a été lourde : expulsions, répression, divisions au sein du mouvement, des départs des camarades. Ces défaites sont venues entacher cette victoire. Mais on ne va quand même pas laisser cette date passer dans l’oubli ! On vous invite à un goûter à Lama Fâchée à partir de 16h (…) donc amenez vos gâteaux, vos instruments de musique, vos histoires, vos idées, vos tristesses et vos joies” ZAD News du 7 au 14 janvier.
Face à ces questions, nous relisons en creux la richesse de l’Arche du Gwenvez. La vie communautaire, fondée sur l’enseignement précis de Lanza permet à chacun d’adhérer librement au projet, de suivre son enseignement, de renoncer à soi-même, sans perdre sa liberté par l’acceptation d’une règle commune, ajustée par un vote à l’unanimité. L’obéissance commune à une règle choisie librement, nous a permis de trouver facilement une légitimité et une place en tant qu’accueillis au sein de la communauté.
Ces deux expériences mise en perspectives nous invitent à nous demander quel témoignage de communauté les chrétiens sont appelés à donner aujourd’hui ? Comment articuler ce désir juste de liberté individuelle inscrite en l’homme et sa vocation à la vie commune et partagée qui nécessite un certain renoncement à soi-même ?
Résumé de la conférence de Foucauld Giuliani au Dorothy (8 novembre 2018) Cycle Théologie Politique
Dans les années 70, en cette période d’immixtion des Etats-Unis dans les affaires des pays sud- américains et de diffusion du marxisme, des membres du clergé s’inquiètent de voir des parties du haut clergé nouer alliance avec les élites rentières et ressentent le besoin de développer une pensée théologique nouvelle : ce sera la théologie de la libération. Cette théologie veut poser à nouveaux frais la question de l’action sociale et politique à mener en tant que chrétiens. Le principal représentant de ce courant théologique est Gustavo Gutierrez, prêtre et intellectuel péruvien. La théologie de la libération a été accusée de marxisme et d’instrumentalisation de la foi. Nous pensons plutôt qu’elle nous permet d’éclairer des aspects de l’expérience de foi et qu’elle détient une dimension pratique qui est précieuse. Gutierrez met en lien les idées de révolution, de communion et de libération. La libération, processus de lutte contre une injustice, n’est pas un procédé systémique sans enracinement spirituel mais une organisation collective au sein de laquelle les personnes engagées font l’expérience de la communion fraternelle et de la promesse biblique d’un Dieu combattant aux côtés des pauvres.
Cette théologie veut poser à nouveaux frais la question de l’action sociale et politique à mener en tant que chrétiens
La communion est aussi l’horizon de la libération. Il y a libération révolutionnaire quand les personnes libérées utilisent leur liberté nouvellement acquise dans le sens d’un renforcement des liens communautaires, non quand ils font usage de leur liberté pour se venger de leurs anciens oppresseurs. Cette conception de l’action suppose une Eglise qui assume un rôle particulier : dénonciatrice de l’injustice, lieu de conscientisation des aspects sociaux du péché et de mobilisation collective. Cela implique la constitution, au sein des paroisses, de communautés de prière, de réflexion et d’action en prise sur la réalité locale vécue. La théologie de la libération a légué au corpus de la Doctrine Sociale d de l’Eglise les concepts clés de « structure de péché » et d’ « option préférentielle pour les pauvres ». On peut lui reprocher une certaine confiance dans l’histoire, souvent perçue comme intrinsèquement portée vers le progrès des conditions de vie. En effet, dans le christianisme, l’histoire n’est pas le lieu d’une amélioration continue mais plutôt le théâtre d’un affrontement perpétuel entre des forces traversant non seulement les personnes mais aussi les sociétés.
Conférence d’Adrien Boniteau au Dorothy (18 octobre 2018) Cycle Théologie Politique
« Tout pouvoir vient de Dieu ». C’est ainsi que la chrétienté a justifié, de manière générale, une obéissance quasi-absolue du chrétien aux régimes politiques existants. Pourtant, lorsque nous revenons aux sources bibliques, l’appréciation du pouvoir semble beaucoup plus nuancée, voire même critique. Si un certain nombre de passages pourraient laisser penser que l’obéissance du croyant au pouvoir est bienvenue — d’après une lecture souvent superficielle —, la plupart des textes bibliques s’opposent radicalement à toute forme de pouvoir. Ces passages critiques arguent du fait que, l’obéissance à Dieu étant absolue et exclusive, le croyant doit se soumettre à Dieu plutôt qu’au pouvoir : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac. 5, 29). Bien plus, la volonté d’exercer une charge politique est dénoncée comme une impiété, comme une tentative de se mettre à la place de Dieu : « Je ne dominerai point sur vous, et mon fils ne dominera pas sur vous ; car l’Éternel dominera sur vous » (Jg. 8, 23), ainsi que le déclare Gédéon. Jésus ne dira pas autre chose : « Ne vous faites pas appeler maîtres, car un seul est votre Maître, et vous êtes tous frères. […] Ne vous faites pas appeler chefs, car un seul est votre Chef, le Christ » (Mt. 23, 8-10). Comment alors comprendre les passages bibliques qui semblent donner une vision plus positive du pouvoir ? Il convient de ne pas les extraire de leur contexte d’énonciation mais de les étudier à la lumière de la pensée de leur auteur.
” L’obéissance à Dieu étant absolue et exclusive, le croyant doit se soumettre à Dieu plutôt qu’au pouvoir “
Ainsi, bien que Paul de Tarse admette qu’« il n’est d’autorité si ce n’est de par Dieu » (Rm. 13, 1), il n’en insiste pas moins, à l’instar de Jésus, sur le fait que l’obéissance à Dieu est exclusive de toute autre obéissance (1 Cor. 8, 4-6). En fait, il faut interpréter l’obéissance aux autorités prônée par Paul comme la conséquence de la nature déchue, pécheresse, de l’homme, comme le résultat de la nécessité à laquelle il est assujetti en tant que pécheur. Or le croyant est justement affranchi de cette nécessité par la liberté en Christ, qui « a dépouillé les dominations et les autorités, et les a livrées publiquement en spectacle, en triomphant d’elles par la croix » (Col. 2, 15). Dès lors, pour le chrétien, l’obéissance ne revient plus aux autorités humaines, mais au Christ qui l’a délivré de leur pouvoir. Jésus étant son « seul maître et seigneur » (Jd. 4), le chrétien peut ainsi s’écrier : Dieu sans maître car Dieu seul Maître !
Conférence au Dorothy (11 octobre 2018) Cycle découverte de Dorothy Day
Jeudi 11 octobre nous avons parlé de Dorothy Day et de ce qu’elle a vécu et pensé sur la pauvreté. Dorothy Day (1897-1980) journaliste de vocation, a été une militante pour la justice toute sa vie, d’abord fortement influencée par la pensée marxiste, puis, après sa conversion, mue par l’Evangile, qu’elle s’est donné pour mission de mettre en pratique. Fortement marquée par les idéaux pacifistes et anarchistes dans lesquels elle a baigné pendant sa jeunesse à New York, elle a fondé le Catholic worker, un journal dédié à la diffusion de la pensée sociale de l’Eglise, qui s’est transformé très vite en un réseau de maisons d’hospitalité pour les sans-abris, aux Etats-Unis, et qui existent aujourd’hui dans 27 pays à travers le monde.
Grande lectrice et admiratrice de Saint François d’Assise, Dorothy voyait la pauvreté volontaire comme un moyen de refonder une société fondée sur l’Evangile : seule une adhésion pleine et entière à la pauvreté au sens franciscain, c’est à dire la sobriété qui rend heureux, joyeuse et contemplative, peut permettre de retrouver le sens de la communauté et de proposer des formes de vie sociale susceptibles de rendre bons les hommes.
Mais peut-on vouloir que les autres soient pauvres aussi ? Non, au contraire, il faut lutter contre la pauvreté subie. Durant toute sa vie D.D a cherché à établir ce qu’elle appelle une “Philosophie du travail”. La misère matérielle commence souvent par l’aliénation au travail, et conduit à la misère spirituelle. Ce n’est évidemment pas la misère que Dorothy défend comme mode de vie : vivre pauvre au sens franciscain, ce n’est pas mourir de faim, ni être dans le besoin permanent. C’est une pauvreté où le nécessaire est comblé : un travail, une famille, une terre à cultiver, de quoi se nourrir. C’est un anti-capitalisme radical, ou plutôt un anti-consumérisme, c’est l’appel radical de l’évangile et de St Paul que Dorothy prend à la lettre et, fait rare parmi tous les théoriciens anarchistes, qu’elle a mis en pratique.