Cycle “Chrétiens interpellés par l’islam”. Conférence 1 : Les paradoxes de Charles de Foucauld 

Cycle “Chrétiens interpellés par l’islam”. Conférence 1 : Les paradoxes de Charles de Foucauld 

A rebours du repli identitaire que nous connaissons aujourd’hui, de grandes figures chrétiennes se sont nourries spirituellement de leur rencontre avec l’islam. A travers un cycle de trois conférences, le Dorothy vous propose de suivre leurs cheminements : quel chemin spirituel ont-elles parcouru ? Comment ont-elles inscrite leur foi dans les configurations politiques de leur époque, marquée par la colonisation et les décolonisations ? Comment nous inspirer de leurs parcours pour nouer aujourd’hui le dialogue interreligieux ?

Jeudi 10 novembre. Conférence 1/3 : Les paradoxes de Charles de Foucauld.

À la fin du XIXe siècle, Charles de Foucauld, ancien militaire, s’est converti au christianisme – une conversion dans laquelle le contact avec l’islam semble avoir joué un certain rôle – puis a vécu au milieu des Touaregs musulmans. Homme de son temps et plongé dans un univers colonial, il ne doutait pas que les Touaregs se convertiraient un jour. Mais il avait vite compris que cette conversion serait, comme il disait, l’affaire « non d’années mais de siècles ». Lui-même ne se voulait, de toute façon, pas missionnaire (« je suis moine, non missionnaire, fait pour le silence et non pour la parole », a-t-il écrit), mais avait d’abord envisagé de composer un dictionnaire et une grammaire pour préparer la voie des missionnaires futurs. Il s’est donc mis à étudier la langue des Touaregs, mais, assez vite, ce travail est devenu un but en soi, poursuivi dans le seul souci de préserver un patrimoine culturel qu’il sentait menacé. En même temps qu’il étudiait leur langue, il s’efforçait de leur donner le témoignage d’une vie évangélique, conforme au modèle qu’il s’était donné, celui de la vie cachée de Jésus à Nazareth. Il deviendra l’ami des Touaregs du Hoggar, en Algérie, dont il partage le quotidien et traduit les écrits, et cultivera un lien très fort avec Moussa ag Amastan, leur chef. Charles de Foucauld a été canonisé par le pape François en mai 2022.

Avec Dominique Casajus, anthropologue, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des touaregs. Il est l’auteur de Charles de Foucauld. Moine et savant, (Paris, CNRS Éditions, 2009.)

Vous retrouverez ci-dessous l’intégralité de la conférence de D.CASAJUS mise à l’écrit. Bonne lecture !

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FOUCAULD, L’ISLAM, LES TOUAREGS.

Foucauld s’est exprimé à plusieurs reprises sur l’islam, et notamment dans ses lettres à l’islamologue Henry de Castries. Le 15 juillet 1901, il lui écrivait :

Nous avons pour divin modèle Notre Seigneur Jésus, pauvre, chaste, ne résistant pas au mal et souffrant tout, paisible, pardonnant et bénissant. L’islam prend pour exemple Mahomet, s’enrichissant, ne dédaignant pas les plaisirs des sens, faisant la guerre : de ces deux sources si opposées, quels courants opposés doivent naître ![1]

Remarquons que ces lignes n’opposent pas tant deux religions que deux modèles de vie. Dans les années où il se cherchait, où il frappait à toutes les portes, l’islam en lui-même l’avait d’abord plutôt séduit et même, devait-il dire à Henry de Castries, « à l’excès »[2]. Plus encore, la grandeur et la simplicité de la religion du Prophète a peut-être contribué à le ramener à la foi : 

[…] l’Islam a produit en moi un profond bouleversement, écrit-il toujours à Henry de Castries… la vue de cette foi, de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu, m’a fait entrevoir quelque chose de plus vrai que les occupations mondaines : “ad majora nati sumus” […]. »[3]

… au point que, même après son retour à la foi chrétienne en 1886, le nouveau converti entremêlait parfois des passages du Coran à ses prières[4].

Et l’on trouve déjà un nocturne et discret souvenir du Coran dans la relation du voyage d’exploration qu’il fit au Maroc à l’âge de vingt-cinq ans. Le 13 novembre 1883, aux abords de l’oasis de Tanzida, sa première nuit dans le désert lui avait inspiré ces lignes :

La lune, qui brille au milieu d’un ciel sans nuages, jette une clarté douce ; l’air est tiède, pas un souffle ne l’agite. En ce calme profond, au milieu de cette nature féerique, j’atteins mon premier gîte du Sahara. On comprend, dans le recueillement de nuits semblables, cette croyance des Arabes à une nuit mystérieuse, leïla el qedr, dans laquelle le ciel s’entr’ouvre, les anges descendent sur la terre, les eaux de la mer deviennent douces, et tout ce qu’il y a d’inanimé dans la nature s’incline pour adorer son Créateur.[5]

La Laylat al-Qadr (la « nuit du destin »), qui tombe le 21 du mois du ramadan, est selon la sourate 97 la nuit où Dieu fit descendre le Coran sur la terre. L’espace de ces quelques phrases, elle aura donné à la prose de Foucauld une douceur qu’on n’y retrouvera jamais plus. Moins de trois ans après les avoir écrites, le long dégoût qu’il portait en lui depuis l’adolescence le jetait aux pieds de l’abbé Huvelin, dans un confessionnal de l’église Saint- Augustin qu’une plaque désigne aujourd’hui à la piété des fidèles. On a peu de témoignages sur ces dernières années d’une vie profane que les deuils précoces, l’absence de vocation bien affirmée, un besoin toujours insatisfait de reconnaissance et d’amour avaient marquée d’une inguérissable mélancolie. Cette mélancolie qu’il avait cru si longtemps étourdir par les fêtes et les plaisirs, il s’engageait maintenant dans le cheminement intérieur qui la transmuerait en aspiration à la sainteté et au martyre. Et, marque peut-être des efforts qu’il dut faire sur lui-même pour surmonter sa première fascination, l’orientaliste qu’il aurait pu être s’est raidi dans une intolérance que je crois être avant tout une intolérance à la part de lui-même qu’il avait rejetée : la piété des musulmans l’avait ramené à la foi de ses pères, mais dans la voie qu’il faisait désormais sienne, cette religion « qui n’a pas assez de mépris pour les créatures »[6], ce Prophète sensuel et si plein des affaires du monde, se sont vus peu à peu rejetés dans les ténèbres extérieures, trop proches qu’ils apparaissaient à ses yeux d’une vie avec laquelle il avait rompu. Au fond, c’est de la débonnaireté même de l’islam que ne peut s’accommoder la foi intransigeante du Foucauld de la maturité – une intransigeance à la mesure des abîmes auxquels elle l’a arraché.

Tout ce que par la suite il allait dire de l’islam serait marqué par cette intransigeance. Ainsi, les propos qu’il tient à l’abbé Carron le 9 juin 1908 surprennent chez un homme que, de son propre aveu, la lecture des philosophes avait plongé dans une longue mécréance, et dont le retour au christianisme fut un mouvement du cœur et non de l’esprit :

Vis-à-vis des musulmans qui sont des demi-barbares, la voie n’est pas la même qu’avec des idolâtres, des fétichistes, des gens tout à fait sauvages, des barbares ayant une religion tout à fait inférieure, ni qu’avec les civilisés. Aux civilisés, on peut proposer directement la foi catholique, ils sont aptes à comprendre les motifs de sa crédibilité, et à en reconnaître la vérité ; aux tout à fait barbares de même, parce que leurs superstitions sont si inférieures qu’on leur fait assez facilement comprendre la supériorité de la religion d’un seul Dieu. Il semble qu’avec les musulmans, la voie soit de les civiliser d’abord, de les instruire d’abord, d’en faire des gens semblables à nous ; ceci fait, leur conversion sera chose presque faite elle aussi, car l’islamisme ne tient pas devant l’instruction ; l’histoire et la philosophie en font justice sans discussion : il tombe comme la nuit devant le jour.[7]

Dans la demi-barbarie où il situait les musulmans, il distinguait cependant des degrés. Au moment où il écrivait à l’abbé Carron, il y avait trois ans qu’il s’était installé au sein d’une population berbérophone. Or voici ce qu’il en dit le 4 juin 1908 à sa cousine Marie de Bondy :

Priez bien pour tous ces indigènes au milieu desquels je vis : tous ont droit qu’on travaille au salut de leurs âmes : les Touareg encore plus que les autres, si c’est possible. Les âmes ont toutes le même prix, celui du sang de Jésus, mais ne pouvant s’occuper de toutes, il semble qu’il faut s’attacher d’abord à celles qui laissent espérer les plus prompts et les meilleurs résultats : les Touareg sont de ceux-ci : c’est une race neuve, forte, intelligente, vive et non une race vieillie et en décadence ; très peu musulmans, c’est-à-dire pratiquant et connaissant peu leur religion tout en y ayant une foi vague, ils sont bien moins fermés pour nous que les Arabes.[8]

On peut, dans le même sens, citer aussi ce qu’il écrit au duc de Fitz-James le 11 décembre 1912 : « Les habitants de notre empire africain sont très divers : les uns, Berbères, peuvent devenir rapidement semblables à nous ; d’autres, Arabes, sont plus lents au progrès ; les nègres sont très différents les uns des autres. Mais tous sont capables de progrès »[9].

On reconnaît là certains thèmes de ce que Charles-Robert Ageron a appelé le mythe kabyle[10], fatras de stéréotypes qui avaient commencé à sévir dès les années 1820 avant de se transposer des Kabyles aux Touaregs puis, plus tard, aux montagnards berbérophones de l’Atlas marocain. Le plus tenace de ces stéréotypes voulait que l’islam eût été pour ces peuples une simple parenthèse qu’on refermerait aisément. Tâche à laquelle le cardinal Lavigerie, archevêque d’Alger à partir de 1867, s’était employé avec un zèle que l’insuccès n’entama jamais, persuadé qu’il était de pouvoir ressusciter dans sa splendeur l’Église d’Afrique du temps de Saint Augustin. Foucauld était animé des mêmes espérances quand il s’installa parmi les Touaregs, et lui aussi croyait retrouver parmi eux des souvenirs de l’évêque d’Hippone :

Les populations de cette région, écrivait-il à sa cousine le 5 mars 1904, comme celles du Maroc, parlent moins l’arabe que le berbère, vieille langue du Nord de l’Afrique et de la Palestine, celle que parlaient les Carthaginois, celle de sainte Monique, dont le nom, berbère et non grec, signifie : “reine”[…].[11]

Je suppose que ces très fantaisistes variations philologiques s’inspirent du mot touareg amenokal (tamenokalt au féminin), dont les trois premières consonnes (MNK) sont effectivement les trois consonnes de Monika. Disons tout de même à sa décharge que Foucauld venait à peine d’entamer les travaux qui feraient de lui l’un des maîtres de la linguistique touarègue, et qu’on ne trouve pas de telles extravagances dans sa correspondance ultérieure. Il finira d’ailleurs par perdre quelques-unes de ses illusions et par admettre que la conversion des Touaregs serait « l’œuvre non d’années mais de siècles »[12].

C’est justement de ces travaux linguistiques que je vais maintenant parler, car ils relève sinon du rapport de Foucauld à l’islam du moins de son rapport avec ces musulmans qu’étaient les Touaregs.

Dans les faits, il s’est interdit tout prosélytisme durant son séjour à Tamanrasset, proclamant même dès le 2 juillet 1907 : « Je suis moine, non missionnaire, fait pour le silence, non pour la parole »[13]. Or ce moine fermé à la religion de ses hôtes aura été un savant attentif à leur culture. Lui qui tenait les Touaregs pour des demi-barbares, aura consacré à l’étude de leur langue et de leur poésie plus d’efforts que personne avant lui ni probablement après lui. Au départ, son objectif était simplement de composer un lexique et une grammaire élémentaires à l’usage des officiers sahariens et des missionnaires à venir. 

Charles de Foucauld était loin d’imaginer, lorsque, le 13 janvier 1904, il quittait son ermitage de Béni-Abbès à la demande du colonel Laperrine, commandant supérieur du territoire des Oasis, pour se mettre en route vers le pays touareg, que, sitôt sa destination atteinte, l’essentiel de son temps de veille allait être consacré à une œuvre linguistique dont l’élaboration l’occuperait jusqu’à l’heure de sa mort. Cette œuvre ne se dessina que peu à peu, mais une lettre du 10 février 1914 à sa sœur Marie de Blic montre qu’il en possédait à cette date les grandes lignes et qu’il espérait l’achever avant la fin de 1918 « si, ajoutait-il, Dieu me prête vie, santé…[14] ».

C’était trop présumé de la bienveillance divine. Il avait cependant le sentiment, au soir du peu de vie qui lui avait été assigné, que l’essentiel était fait. Ainsi, dans une lettre du 5 décembre 1916, le capitaine commandant le peloton méhariste du Hoggar parlait à René Basset, le doyen de la faculté d’Alger, du « gros travail que le Révérend Père était sur le point d’achever » et ajoutait : « J’ai pu, au cours de mes nombreuses visites chez le Révérend Père consulter ses copies, et de son aveu lui-même, et, vous savez si ce vénérable ermite était modeste, il considérait son livre comme très complet[15] » (Chatelard 2000 : 178). Ce « livre » est très certainement l’ensemble formé par les manuscrits du Dictionnaire touareg-français et des Poésies touarègues, que René Basset et son fils André ont publiés poshumément. Le diaire de l’auteur nous apprend qu’il avait achevé la mise au net du premier le 24 juin 1915 et mis la dernière main au second le 28 novembre 1916[16], soit trois jours avant sa mort.

Son objectif au départ était d’aider les missionnaires futurs, et il entrepris dès avant d’atteindre le pays touareg, de faire traduire les évangiles en touareg. Mais l’œuvre finale aura peu à voir avec cet objectif initial, qu’il a vite abandonné.

Il aura d’abord fallu pour cela que son zèle apostolique, alors l’unique aliment de son ardeur à la tâche, se double d’un intérêt authentique pour son objet d’étude. J’ai évoqué ailleurs l’évolution douloureuse qui va le conduire là, et ce n’est pas ici le lieu de la retracer en détail. Disons simplement que sa courte collaboration avec son vieil ami Adolphe de Calassanti-Motylinski[17] semble avoir joué dans l’affaire un rôle déterminant. Professeur d’arabe à Constantine et bon connaisseur des parlers berbères, Motylinski avait consacré en 1904 un ouvrage au dialecte berbère de Ghadamès. Il arrive à Tamanrasset le 3 juin 1906, venu là à la demande d’un Foucauld qui, désireux d’améliorer les traductions du Nouveau Testament qu’il a recueillies, souhaite bénéficier au moins pour quelque temps de l’assistance et des conseils d’un berbérisant plus confirmé que lui. Or, ce que propose le nouveau venu est assez différent de ce que son hôte avait en tête : il entend, comme il l’a fait lui-même à Ghadamès et comme le font déjà depuis des années tous les spécialistes des divers parlers maghrébins – arabes ou berbères – recueillir des textes en prose ou en vers, des conversations ou des données sociologiques. Autrement dit, son intention est de faire de la version plutôt que du thème. Les deux hommes travaillent ensemble à Tamanrasset et dans ses environs jusqu’au début du mois d’août, puis Motylinski part sillonner l’intérieur du Hoggar – tournée dans laquelle Foucauld ne peut l’accompagner car une morsure de vipère l’a contraint à l’immobilité. Le 12 septembre, tous deux se mettent en route vers le nord, l’un pour regagner Constantine, l’autre pour revoir son ancien ermitage de Béni-Abbès et passer quelque temps à Alger. 

La traduction des saintes écritures, dont Foucauld avait pensé que son ami pourrait l’aider à la parfaire, a donc cessé d’être son objectif primordial. Et un événement imprévu va même le conduire à mettre ce travail totalement de côté : Motylinski meurt du typhus le 2 mars 1907. La nouvelle de sa mort parvient à Foucauld le 14 mars[18], et, dès le lendemain – ce qui montre combien ces travaux de linguistique ont pris de l’importance pour lui – il écrit à René Basset, doyen de la faculté des lettres d’Alger, pour lui proposer de réviser les travaux du défunt. Une première livraison paraît à Alger en 1908, présentée comme écrite par Motylinski et publiée par les soins de René Basset, car Foucauld a refusé que son nom soit mentionné[19]. Conscient dès avant sa publication de l’insuffisance de cette première ébauche, il décide de tout reprendre à la base, mais présentera toujours ses travaux comme la révision de ceux de Motylinski. C’est donc par fidélité à la mémoire d’un ami que Charles de Foucauld a consacré tant d’années à une œuvre sans commune mesure avec ce qu’aurait été la simple révision des travaux du défunt. Il lui arrivera de gémir de l’ampleur de la tâche qu’il s’est ainsi fait un devoir de mener à bien. Non qu’il ait jamais été homme à reculer devant le labeur, mais ces longues heures (jusqu’à plus de onze par jour) consacrées à un travail profane étaient pour lui un temps fâcheusement ôté à la prière proprement dite, et même à ce « saint travail des mains » auquel la règle cistercienne accorde la même valeur qu’à la prière. Pourtant, dans le tourment, le malaise et le scrupule, le savant et le moine ont fini par marcher d’un même pas[20].

1.3. Un sujet « qui intéresse d’abord la science et ensuite le peuple touareg ».

Du reste, une lettre du 29 mai 1908 à René Basset révèle que ses scrupules ne l’ont pas empêché de prendre très tôt conscience de l’éminente dignité de son objet d’étude. Il y énumère en détail les recherches scientifiques (linguistiques, sociologiques, archéologiques…) qu’il souhaiterait voir entreprendre en pays touareg. Ce n’est pas, au moment où il écrit, un programme qu’il se fixe à lui-même : seul, estime-t-il, un homme jeune, ayant trente ans devant lui, pourrait le réaliser. Mais le fait même qu’il prenne tant de soin à détailler un programme qu’il ne se croit pas en mesure de mener à bien lui-même est le signe que ses préoccupations scientifiques ne sont plus nécessairement liées un quelconque projet missionnaire. Il n’en est plus, en effet, à s’interroger sur ce qu’il doit faire pour être à même de faire traduire les saintes Écritures, ou pour fournir des manuels à l’usage des missionnaires futurs, mais entend exposer les linéaments d’un projet qui, dit-il, « intéresse d’abord la science et ensuite le peuple touareg ». Lisons : 

Je vais maintenant vous entretenir d’un autre sujet que j’ai très à cœur, et vous aussi certainement, car il intéresse d’abord la science et ensuite le peuple touareg.

Même après la publication de tous les résultats du voyage dans l’Ahaggar[21] de notre cher ami Motylinski, une infime partie seulement du travail à faire aura été faite. 

Ce qui reste à faire dans l’Ahaggar c’est :

1° achever de collectionner les poésies des Kel-Ahaggar, non pas en prenant, comme on a été obligé de le faire jusqu’ici, tout ce qui était présenté, mais en collectionnant auprès de chacun des poètes en renom vivants, très bien connus aujourd’hui, leur répertoire complet ; en s’enquérant, dans leurs tribus respectives, des poésies des poètes renommés morts ; en recueillant les poésies anciennes dont les auteurs ne sont pas connus et qui ont du mérite… J’estime que le répertoire complet de ce qui a du mérite dans les poésies de l’Ahaggar, de l’Ajjer et des Taïtoq est d’au moins 30 000 vers et qu’il faudrait 4 ans de travail continu pour les recueillir et les traduire. […] Quatre ans de travail, avec tous les deux ans 8 mois de congé (4 passés en France, pour l’aller et le retour), cela fait six ans à consacrer au seul collectionnement de la littérature touareg-nord. Il est très nécessaire que ce travail soit fait bientôt, car comme les poésies ne sont jamais écrites, il n’y a à bien les savoir que peu de gens, et pour beaucoup, que leur auteur : la mort d’un bon poète c’est la perte irrémédiable de la plupart de ses poésies.[22]

Les vers touaregs peuvent donc avoir « du mérite », et ils sont même des dizaines de milliers dans ce cas. Bien que ne connaissant pas le niveau de valeur littéraire à partir duquel un vers commence pour lui à avoir du mérite, je pense que c’est là une appréciation plutôt positive sur la littérature de ses hôtes. Quant à sa crainte de voir ces vers sombrer dans l’oubli avant qu’on ait pu les recueillir, elle témoigne d’un souci analogue à celui que les ethnologues ont fait leur après lui, à commencer par celui qui allait écrire, à la suite d’enquêtes de terrain à peu près contemporaines des dernières années de Foucauld en pays touareg : « L’ethnologie, se trouve dans une situation à la fois ridicule et déplorable, pour ne pas dire tragique, car à l’heure où elle commence à s’organiser, à forger ses propres outils et à être en état d’accomplir la tâche qui est sienne, voilà que le matériau sur lequel porte son étude disparaît avec une rapidité désespérante[23] ». Sans doute Malinowski – car c’est lui – songe-t-il à l’ensemble des institutions des sociétés dont il déplore la rapide disparition, et pas seulement à leur littérature. Mais Foucauld y songe lui aussi. Poursuivons en effet notre lecture :

Une seconde raison pour se presser, c’est que le pays subit en ce moment une transformation. Autrefois il vivait de pillage et dans une grande abondance ; la viande et le lait étaient à profusion grâce aux razzias chez les voisins ; vêtement, étoffes, objets de luxe affluaient, grâce au pillage des caravanes ; entre deux razzias, on se divertissait sous les tentes, on y chantait, on y faisait des vers et de la musique, en chantant les exploits récents et on récompensait, en leur accordant la préférence, les plus heureux pillards… C’était l’ahâl et l’egen se succédant l’un à l’autre, dans l’abondance et la richesse… Maintenant plus de razzias, plus de pillage, paix obligatoire ; par suite, pauvreté : il n’y a plus de vainqueur à chanter : on n’est plus très gai, on a souvent faim ; on n’a plus de beaux habits pour aller à l’ahâl ; la pauvreté et la paix forcée font ainsi cesser presque complètement l’ahâl ; le peu qui en reste est bien différent de l’ancien et le sera de plus en plus… Il faut donc se hâter de prendre de répertoire poétique actuellement existant, car ou bien il ne sera pas remplacé, ou il le sera par quelque chose de très différents.[24]

Les mots ahâl et egen apparaissent plus d’une fois dans les poésies datant de l’époque, alors révolue, où la vie des touaregs – du moins ceux de la noblesse – se consumait dans les aventures guerrières. L’egen est ce que nous appelons une razzia, c’est-à-dire une expédition ayant en général pour but le pillage. Foucauld en exagère un peu le rôle économique. Certaines razzias duraient des mois, leur butin était parfois bien maigre, et on y prenait part autant pour prouver sa valeur que par appât du gain. De plus, il semble ne pas soupçonner que si « l’on n’est plus très gai », c’est aussi parce qu’on vit sous la botte. Quant à l’ahâl, c’était une réunion où jeunes femmes et jeunes hommes s’assemblaient à la nuit tombante, pour se divertir et deviser ; il arrivait qu’une des dames y joue du violon en l’honneur d’un des hommes présents lorsqu’il s’était illustré pour sa bravoure. Tout ce passage est assez surprenant. Foucauld, qui s’est maintes fois félicité dans sa correspondance de ce que l’occupation française ait imposé la paix au pays (une paix partielle, du reste, car il fallait tout de même se défendre contre les attaques venues des régions encore insoumises), mesure ici, avec ce qui ressemble presque à de l’inquiétude, tout ce que ces changements forcés vont bientôt faire disparaître. Mais poursuivons :

2° le second travail à faire après le collectionnement des poésies, c’est l’achèvement du lexique touareg-fr. (dialecte de l’Ahaggar). –- Le vocabulaire général des textes de M. de Molylinski contient beaucoup de mots nouveaux et tous ceux anciennement connus ; malgré cela beaucoup manquent encore : la traduction du reste du répertoire poétique Ahaggar-Ajjer-Taïtoq donnera, au fur et à mesure, un certain nombre de mots nouveaux : les conversations pendant ces 6 ans (coupés de trois congés) en donneront aussi ; il restera à collectionner des noms de plantes ; des noms d’oiseaux, d’insectes, d’animaux, des noms de maladies des personnes et des animaux, des noms spéciaux d’instruments, d’ustensiles, de vêtements, de particularités physiques des personnes et des animaux. – Il restera aussi à compléter le vocabulaire des noms propres de personnes, tribus et lieux. – cela demandera à un homme, rompu à ce genre de travaux par les six années précédentes d’études, deux ans […]

3° grammaire et sociologie de l’ahaggar seront faciles après ces 8 années et pourront se faire en 2 ans. – Cela fait dix ansen tout.

Et alors il n’y aura que l’Ahaggar, l’Ajjer et [le] pays Taïtoq d’étudiés, et seulement aux points de vue littéraire et linguistique.

Ceci fait, un autre travail s’imposerait. Tout le pays Touareg, non seulement l’Ahaggar, mais l’Ajjer, l’Ahenet, l’Adrar, l’Aïr, sont couverts de sépultures et parfois de monuments antéislamiques : il faudrait en fouiller un très grand nombre et recueillir les inscriptions et dessins rupestres nombreux : il est certain que ces fouilles donneraient des résultats très intéressants et jetterait du jour sur l’histoire antéislamique du pays ; en certains lieux, tels que les environs de Tit (Ahaggar) et certaines parties de l’Adrar, on est confondu de la grandeur et du nombre de ces sépultures et monuments. Je crois que cela demanderait bien quatre ans […] pour l’Ahaggar, l’Ajjer, l’Ahenet, la partie de l’Adrar dépendant de l’Ahaggar et les déserts environnant l’Ahaggar. […]

Et après il faudrait en faire autant pour l’Adrar et l’Aïr cela irait bien plus vite pour une personne exercée par les 15 ans de travail précédents. Il est probable que 7 ans suffiraient pour chacun des 2 pays…

C’est trente ans en tout, toute la vie d’un homme.[25]

Ce n’est plus le missionnaire ni même le religieux qui parle, c’est l’homme conscient de l’étendue d’un patrimoine culturel – notamment linguistique – qu’il tremble de voir disparaître avant qu’on ait pu le recueillir. Non que sa foi se soit attiédie, mais elle n’est pour rien dans l’anxiété que cette lettre exprime. D’ailleurs, même s’il dit attendre qu’un autre que lui exécute ce gigantesque programme, il a entamé depuis un an un travail qui en est déjà l’amorce. Motylinski l’ayant « chargé de lui recueillir des poésies touarègues non encore connues[26] », c’est une collection de 572 poèmes, soit près de 6000 vers, qu’il a recueilli entre le 18 mars et le 6 juillet 1907.

Lui qui était venu, sûr de lui, pour apporter la bonne parole à ses hôtes aura au bout du compte fait un immense effort pour recevoir leur parole à eux. Dans le même temps, se développait une grande amitié pour certains d’entre eux.

L’un des témoignages de cette amité est constitué par les lettres en touareg qu’il a reçues de ses amies[27]. Il serait certes imprudent de surinterpréter de simples formules épistolaires, dont on peut même se demander si certaines, comme le « je t’embrasse » du jeune Ouksem qu’il a emmené en France en 1913, ne sont pas davantage destinées à complaire au vieil ermite qu’à exprimer des sentiments réellement éprouvés ; mais il se trouve que Foucauld parle souvent à ses correspondants français de l’affection que lui portent ses voisins Dag-Ghali, qui sont précisément les signataires de la plupart de ces petits billets. Le 11 juillet 1907, au retour de la deuxième tournée Dinaux, il dit à sa cousine sa surprise d’avoir été accueilli par ses voisins « beaucoup plus affectueusement [qu’il] n’osai[t] l’espérer[28] ». En mai 1911, après son deuxième voyage en France, il est à nouveau « reçu avec une affection qui [l’]a touché par les Touaregs et [il a] à tout moment leurs visite[29] », et cela lui « fera de la peine de quitter ces braves gens dans un mois [pour aller à l’Asekrem][30] » Lui aussi dit son affection, tout au moins à l’endroit d’Ouksem ag Chikat. Il l’« aime beaucoup[31] », le « traite comme [s]on fils[32] » et le tient pour « celui des Touaregs [qu’il] estime le plus et aime le plus[33] ». Citons également ce qu’il dit à un ami officier : « J’ai au moins quatre “amis”, sur qui je peux compter entièrement. Comment se sont-ils attachés à moi ? Comme nous nous lions entre nous. Je ne leur ai fait aucun cadeau, mais ils ont compris qu’ils avaient en moi un ami, que je leur étais dévoué, qu’ils pourraient avoir confiance en moi et ils m’ont rendu la pareille de ce que j’étais pour eux. [Quatre noms suivent, dont celui d’Ouksem et de son père Chikat]. Il y en a d’autres que j’aime, que j’estime, sur qui je puis compter pour beaucoup de choses. Mais ces quatre-là, je puis leur demander n’importe quel conseil, renseignement, service, je suis sûr qu’ils me le rendront de leur mieux[34]. »

Plus d’une fois il parle des « consolations » que lui apportent ses voisins. « Oui, c’est vrai, écrit-il à sa cousine le 16 mars 1912, j’ai des consolations avec les Touareg ; de plus en plus, je trouve parmi eux de braves gens, avec lesquels de véritables et sérieuses relations d’amitié s’établissent[35]. » Le 1er mars 1912, il lui a déjà dit combien ses « voisins touaregs sont consolants et doux[36] » ; il lui redit le 15 août 1912 qu’ils sont « consolants, affectueux[37] ». Le 4 septembre 1912, c’est à Henry de Castries qu’il écrit : « Les Kel Ahaggar de mon voisinage me donnent les plus grandes douceurs et consolations ; j’ai parmi eux d’excellents amis[38]. » Il lui écrit le 8 janvier de l’année suivante : « J’ai passé tout 1912 dans ce hameau de Tamanrasset. Les Touaregs m’y sont une très consolante société ; je ne puis dire combien ils sont bien pour moi, combien je trouve parmi eux d’âmes droites ; un ou deux d’entre eux sont de vrais amis, chose si rare et si précieuse partout[39]. » À Laperrine lui-même, avec qui il est d’habitude plus réservé, il écrit le 7 janvier 1912 : « Tous les Touaregs du voisinage, Dag Rali[40] surtout, sont la perfection pour moi, tout de ce côté est consolation et douceur[41]. » Comment mieux dire que ses voisins Dag-Ghali ont contribué à rasséréner l’ermite dont l’intransigeance effrayait en 1905 jusqu’à son directeur spirituel.

Les biographes ont largement sous-estimé cet aspect de la vie saharienne de Foucauld. C’est flagrant chez Bazin. Il évoque certes en termes équitables la haute figure de Moussa agg Amastan, mais quand il en vient aux proches de Foucauld, aux bons plébéiens qui ont partagé sa vie quotidienne, ils n’ont pas droit à la même considération : « Le Père de Foucauld, écrit-il, avait en effet une grande affection pour Chikkat [sic], et son fils Ouksem dont il fit un de ses légataires ; j’affirme moins que d’aussi nobles sentiments lui étaient rendus en retour ; Ouksem participa en effet très activement au mouvement de rébellion qui éclata en février chez les Hoggar, deux mois après l’assassinat du Père de Foucauld[42]. » Donnons-lui acte de la nuance, malgré la bizarrerie syntaxique : quand on affirme, même « moins », c’est déjà le signe qu’on hésite à nier. Le témoignage d’Antoine Chatelard, qui a bien connu Ouksem et plusieurs amis Dag-Ghali de Foucauld avant leur mort, nous permettra d’être plus affirmatif. Tout d’abord, les assaillants du 1er décembre 1916 envisagèrent de livrer le corps de Foucauld aux chiens de Chikat[43]. Il ne leur aurait donc pas déplu, ayant assassiné le premier, d’humilier le second après l’avoir endeuillé : c’est dire qu’ils savaient combien les deux hommes s’aimaient. De plus, les Dag-Ghali n’entrèrent en dissidence qu’après l’assassinat de l’ermite et les expéditions punitives qui suivirent, précision importante quand on sait en quoi consistaient ces expéditions : les militaires « chassaient les troupeaux et les gens, razziaient et faisaient des prisonniers[44] ». Est-ce trahir Foucauld que d’avoir réagi les armes à la main à ce qu’il faut bien appeler des exactions ? Encore les Dag-Ghali n’oublièrent-ils pas que certains Français avaient été leurs amis et se montrèrent-ils cléments à leur égard lorsqu’ils les firent prisonniers. Des liens s’étaient tissés, avec Foucauld, avec quelques autres Français, que les Dag-Ghali ne renièrent pas, mais qui ne changeaient rien à un fait brutal : l’armée française était une armée d’occupation.

Dans le meilleur des cas, les biographes n’ont guère parlé des voisins touaregs de Foucauld que pour célébrer ce qu’ils lui doivent. Il est un fait que, s’il n’a pas – loin s’en faut – soupçonné l’injustice du fait colonial, il a souvent œuvré pour leur en épargner les excès, au point que Louis Kergoat a pu écrire, avec peut-être une pointe d’humour, qu’il jouait auprès d’eux le rôle d’un délégué syndical[45]. Mais ses voisins eux aussi, on le voit, lui ont apporté quelque chose, à commencer par une amitié qui a peut-être sa part dans l’apaisement de cette âme longtemps ennemie d’elle-même. Or, de cela, les biographes n’ont guère tenu compte. Ainsi, le titre sous lequel le père Gorrée a publié les lettres de Foucauld à ses amis officiers (« Les amitiés sahariennes du Père de Foucauld »[46]) suppose implicitement qu’un indigène ne saurait compter comme ami. Écrivant près de cinquante ans plus tard, Jean-François Six a encore du mal à faire leur place aux Touaregs lorsqu’il écrit : « L’on sait à quel point Foucauld est sorti d’une certaine fuite du monde et d’un goût d’érémitisme qui l’ont marqué dans les quinze ans qui ont suivi sa conversion, pour se jeter à corps perdu dans l’amour simple et quotidien de chaque homme, chaque frère rencontré, au désert, jusqu’à sa mort[47]. » Pour ce qui est de Foucauld lui-même, je crois effectivement être parvenu ici à une conclusion voisine – à la grandiloquence près. Mais pourquoi faudrait-il que les hommes rencontrés au désert n’aient eu qu’un rôle passif dans cette évolution ?

Avec les Touaregs de la noblesse, les sentiments de Foucauld sont beaucoup plus mêlés. C’est que rien n’est jamais totalement gratuit chez lui, et il va me falloir troubler l’atmosphère idyllique où les pages précédentes ont peut-être plongé le lecteur : le temps n’était pas à l’idylle dans ce Sahara fraîchement soumis, et Foucauld était un homme de son temps. De même que l’affection paternelle qu’il voue à Ouksem ag Chikat se double du désir de l’arracher à la foi de ses pères, de même il songe toujours aux rôles que l’administration coloniale peut faire jouer aux uns et aux autres. Les Dag-Ghali, et les plébéiens en général, ont sur ce point toute sa confiance. Dans les lettres où il dit les consolations qu’il reçoit d’eux, il ajoute : « ces imrad[48] touaregs sont les plus braves gens du monde ; on dirait les meilleurs de nos campagnards de France […] ils vivent selon les lumières naturelles et certains sont des âmes très droites[49] » ; eux « qui sont le nombre, la force, la portion saine du pays, sont tout à fait de bons ruraux de France[50] ». Il n’en est pas de même pour les nobles. À l’intention de ses amis militaires, il les oppose aux plébéiens dans des peintures de mœurs d’où la demi-teinte est exclue. En voici deux exemples, pris parmi bien d’autres. Au Hoggar, écrit-il le 7 décembre 1911, « les Imrad sont très supérieurs moralement aux Nobles, bien que ces derniers aient certaines qualités de bonne éducation et d’agrément de rapport, mais ces qualités sont des riens, de pure surface, tandis que les Imrad ont de bonnes qualités de fond, du moins ceux que je connais : les Dag Rali sont très laborieux, tout le monde travaille chez eux, même les plus riches ; jusqu’à présent les Nobles sont restés irrémédiablement paresseux »[51]. Et le 21 juillet 1914 : «… l’Ahaggar, si longtemps repaire de bandits, est devenu le pays de la grande paix et du grand calme. Les Nobles, qui étaient les bandits, sont appauvris, annihilés, et leur nombre, déjà minime, va décroissant ; […] quant aux Imrad, c’est-à-dire aux plébéiens, ce sont en général de braves gens, paisibles et laborieux : ils ont fort accru leurs cultures, les augmentent de jour en jour et tendent à se sédentariser : c’est le commencement de la civilisation[52]. »

La situation coloniale n’explique cependant pas tout, car on peut se demander s’il n’y a pas une autre raison, plus profonde et plus douloureuse, à la sévérité de l’ermite envers la noblesse du Hoggar. Les tableaux naïfs qu’il brosse pour édifier ses amis militaires ont, en effet, des couleurs bien trop contrastées pour ne pas susciter quelques questions. Ne serait-ce pas aussi ses souvenirs de jeunesse qu’il croit voir ressurgir au spectacle de ces gentilshommes raffinés mais vains ? et serait-il si touché par ces plébéiens travaillant de leurs mains et vertueux comme de bons paysans français s’ils ne représentaient pas, même imparfaite, une réalisation de son idéal de vie laborieuse ?

Ainsi aura été Foucauld avec les Touaregs. Il était venu pour œuvrer à leur conversion future, pour leur apporter sa parole. Il aura eu l’humitié d’écouter leur parole et de la transcrire, un travail qui l’aura occupé jusqu’à son dernier jour.


[1] Foucauld, Charles de, Lettres à Henry de Castries, Paris, Grasset, 1938, p. 90-91.

[2] Lettre à Henry de Castries du 15 juillet 1901, ibid., p. 86.

[3] Lettre à Henry de Castries du 8 juillet 1901, ibid., p. 86.

[4] Lettre à Henry de Castries du 14 août, ibid., p. 97.

[5] Foucauld, Charles de, Reconnaissance au Maroc, Clichy, Éditions du Jasmin, 1999, p. 167-168.

[6] Lettre à Henry de Castries du 15 juillet 1901, Foucauld, op. cit. (1938) p. 91.

[7] Foucauld, Charles de, Écrits spirituels, Paris, J. de Gigord, 1925, p. 256-257, soulignements de Foucauld.

[8] Foucauld, Charles de, 1966. Lettres à Mme de BondyDe la Trappe à Tamanrasset, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, p. 170.

[9] Bazin, René, Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite du Sahara, Paris, Plon, 1921, p. 408.

[10] Ageron, Charles-Robert, Les Algériens musulmans et la France (1871-1919), Paris, PUF, 1968, p. 269 sqq.

[11] Foucauld, op. cit., (1966), p. 126.

[12] Lettre à Suzanne Perret du 25 avril 1907 in Six, Jean-François, L’aventure de l’amour de Dieu80 lettres inédites de Charles de Foucauld à Louis Massignon, Paris, Seuil, 1993, p. 275.

[13] Lettre à Monseigneur Guérin in Six, op. cit., (1993), p. 280.

[14] In Gorrée, Georges, Sur les traces de Charles de Foucauld, Paris, Arthaud, 1947 : 280.

[15] In Chatelard, Antoine, La mort de Charles de Foucauld, Paris, Karthala, 2000 : 178.

[16] Foucauld, Charles de, Carnets de Tamanrasset, Paris, Nouvelle Cité, 1986 : 367 et 398.

[17] Habituellement appelé « Motylinski » dans la correspondance de Foucauld et dans les publications des spécialistes. C’est l’appellation que j’emploierai.

[18] Gorrée, op. cit., 1936 : 208.

[19] Motylinski 1908. Bien que le volume soit présenté comme un « tome premier », aucun autre tome n’a été publié. Au fond, le « tome second », c’est l’œuvre de Charles de Foucauld.

[20] Sur ce point, je me permets de renvoyer à Casajus, Dominique, Charles de Foucauld moine et savant, Paris, CNRS Éditions, 2009. Il faut bien sûr consulter aussi Antoine Chatelard, Antoine, « Charles de Foucauld linguiste ou le savant malgré lui », Études et Documents berbères, n° 13, 1995, p. 145-177.

[21] Ahaggar est le nom touareg de la région que les Arabes, et les Français à leur suite, appellent le Hoggar.

[22] Foucauld, Charles de, « Lettres du père Charles de Foucauld à Monsieur René Basset, doyen à la faculté des Lettres d’Alger », Études et Documents berbères, n° 19-20, 2001-2002 : 175-290, aux pages 188-189.

[23] Malinowski Bronislaw, Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard, 1963 [1922] : 48.

[24] Foucauld op. cit., 2001-2002 : 189. Soulignements de Foucauld.

[25] Ibid. : 189-190.

[26] Lettre à René Basset du 15 mars 1907. Voir ibid. : 175. 

[27] Voir Galand, Lionel, Lettres au marabout. Messages touaregs au père de Foucauld, Paris, Belin, 1999.

[28] Foucauld, Charles de, Lettres à Mme de Bondy. De la Trappe à Tamanrasset, Paris, Desclée de Brouwer, 1966 : 160.

[29] Lettre à Henry de Castries du 16 mai 1911 (Foucauld, op. cit., 1938 : 191).

[30] Lettre à Marie de Bondy du 6 mai 1911 (Foucauld, op. cit., 1966 : 197). Voir aussi les lettres du 24 juin, 31 juillet, 15 août et 28 octobre 1912, du 18 décembre 1913 et du 31 juillet 1916 (ibid : 209, 210, 213, 245).

[31] Lettre à R. Basset du 23 juin 1912.

[32] Lettre à Marie de Bondy du 4 septembre 1912 (Ibid. : 211).

[33] Lettre à Henry de Castries du 18 janvier 1913 (Foucauld, op. cit. 1938 : 196).

[34] Cité in Chatelard, Antoine, « Une famille proche de Charles de Foucauld », Bulletin trimestriel des amitiés Charles de Foucauld 109, 1993 : 16-21. : 20-21.

[35] Foucauld, op. cit., 1966 : 206.

[36] Ibid. : 206.

[37] Ibid. : 210.

[38] Ibid. : 195.

[39] Foucauld, op. cit., 1938 : 196.

[40] Dag-Rali est une autre transcription de Dag-Ghali. Le R était probablement assorti dans l’autographe de Foucauld d’un point souscrit que les éditeurs n’ont pas conservé.

[41] Lettre conservée dans le fond Auguste Terrier de la bibliothèque de l’Institut.

[42] Bazin, René, Charles de Foucauld. Explorateur du Maroc, ermite au Sahara, Paris, Plon 1921 : 456, note 1.

[43] Chatelard, Antoine, « Ouksem, l’un des amis du Père de Foucauld, vient de mourir », Le Saharien, 56 : 18-21.1 : 18-19.

[44] Chatelard ibid.

[45] Kergoat, Louis, Charles de Foucauld et l’islam. Politique et mystique, thèse d’Etat, Université de Paris-Sorbonne, 1988, i : 181.

[46] Gorrée, Louis, Les amitiés sahariennes du Père de Foucauld, Paris, Arthaud, 2 tomes, 1946.

[47] Six, op. cit. 1993 : 328.

[48] « Imrad » est une transcription du terme touareg que je traduis par « plébéiens ». Là encore, Foucauld adjoignait probablement un point souscrit au r.

[49] Lettre à Henry de Castries du 10 décembre 1911 (Foucauld, op. cit., 1938 : 193).

[50] Lettre à Marie de Bondy du 15 août 1915 (Foucauld, op. cit., 1966 : 210).

[51] Lettre au capitaine Charlet (in Gorrée, op. cit.,  1946, ii : 320).

[52] Lettre au capitaine Voinot (in Gorrée, ibid., ii : 136).

LES SOINS PALLIATIFS : POUR UNE MÉDECINE DE LA CHARITé

LES SOINS PALLIATIFS : POUR UNE MÉDECINE DE LA CHARITé

Avec la crise du Covid et le prolongement de la vie humaine dans nos sociétés occidentales, la fin de vie devient une question politique : avons-nous banni le phénomène de la mort de notre pensée éthique et du débat collectif ? Quel juste accompagnement de celle-ci ? Comment concilier respect de la volonté individuelle et exigence de prendre soin de toute vie, même celle condamnée à une mort certaine ? Nous vous proposons plusieurs conférences pour penser la question de la fin de vie, avec des spécialistes du sujet, sous différents angles et dans un esprit de débat et d’écoute des différentes opinions ayant cours sur le sujet.

Conférence 2 : Les soins palliatifs : pour une médecine de la charité.

Table-ronde avec Sophie Gindre et Jeanne Amourous, infirmières à la Maison médicale Jeanne Garnier, spécialisée en soins palliatifs, animée par Camille Charrière (responsable et accompagnante en EHPAD)

Lien vers l’enregistrement de la conférence : à venir

LES SOINS PALLIATIFS : POUR UNE MÉDECINE DE LA CHARITé

ACCOMPAGNEMENT À LA MORT, UN MÉTIER QUI CÉLÈBRE LA VIE

Avec la crise du Covid et le prolongement de la vie humaine dans nos sociétés occidentales, la fin de vie devient une question politique : avons-nous banni le phénomène de la mort de notre pensée éthique et du débat collectif ? Quel juste accompagnement de celle-ci ? Comment concilier respect de la volonté individuelle et exigence de prendre soin de toute vie, même celle condamnée à une mort certaine ? Nous vous proposons plusieurs conférences pour penser la question de la fin de vie, avec des spécialistes du sujet, sous différents angles et dans un esprit de débat et d’écoute des différentes opinions ayant cours sur le sujet.

Conférence 1 : Accompagnement à la mort, un métier qui célèbre la vie.

Avec Camille Charrière (membre du Dorothy et responsable et accompagnante en EHPAD)

Lien vers l’enregistrement de la conférence : à venir

Accueillir, ça veut dire quoi ?

Accueillir, ça veut dire quoi ?

 Parmi les diverses activités du Dorothy, il y a le café solidaire, un accueil de jour inconditionnel qui a lieu du mardi au vendredi après-midi. Les portes sont ouvertes et quiconque souhaite passer un moment dans le lieu pour se reposer, échanger, jouer au ping-pong ou autre, est bienvenu, dans le respect de certaines règles de savoir-vivre en commun. 

Mais que signifie concrètement « accueillir l’autre », dans toute sa différence ? Quelles sont les difficultés et tensions qui peuvent apparaître ? Quelles sont les expériences de joie que cela apporte ? Les questions sont épineuses et nombreuses !

Nous avons proposé aux bénévoles du café solidaire de mettre à l’écrit leur compréhension de ce qu’est, pour eux, accueillir au Dorothy. Voici leurs textes. Certains de ces textes ont été élaborés dans le cadre d’atelier d’écriture collective. Merci aux auteurs de ces témoignages denses et profonds ainsi qu’à tous ceux qui ont accompagné leur réalisation.

Bonne lecture et au plaisir de vous rencontrer bientôt sur la butte de Ménilmontant !

Texte 1

Accueillir au Dorothy, pour moi, c’est avant tout passer un bon moment, partager avec d’autres personnes venant de tout horizon, quel que soit l’âge. Tout d’abord il faut présenter le lieu et l’association aux nouveaux venus et ensuite leur proposer à boire ou à manger, s’il y a de la nourriture à offrir.

Au Dorothy il y a des habitués. Ils viennent pour passer un bon moment, profiter du lieu qui est joli, avec de l’espace. Il y a un mélange de cultures, de religions, d’horizons : c’est un vrai mélange et je trouve cela chouette. C’est une association chrétienne mais ça n’exclut pas. C’est important d’aller vers la personne, de la saluer, de voir si tout va bien pour elle. De lui expliquer les lieux. D’accueillir tout le monde de la même manière. Une rencontre qui m’a marquée, c’est un gars qui dormait dehors. Je lui ai donné des conseils et ça l’a ému. Il est revenu plus tard et il m’a remerciée. Quand je suis arrivée au Dorothy j’étais en galère. Je fermais ma société, je me séparais. Je me suis sentie toute de suite sentie bien dans le lieu, à l’aise, j’ai aimé le côté convivial, l’accueil. On m’a aidée à rebondir, je voulais aider les autres à rebondir aussi, je voulais accueillir à mon tour.

Le Dorothy ça ressemble à des relations familiales. J’aime beaucoup le dimanche du Dorothy par exemple (chaque premier dimanche du mois, un repas partagé ouvert à tous a lieu au Dorothy, à partir de 12h30). Chaque personne apporte quelque chose, de fait-maison ou d’acheté. C’est un jour à part, les gens se retrouvent, ça discute, ça parle, ça permet d’éviter la solitude.

On est beaucoup de personnes à vivre la solitude en France, surtout à Paris. Le Dorothy essaie de répondre à ça, au besoin d’aller quelque part, de parler, de tisser des liens. Tu viens pour approfondir des relations, retrouver des gens, mais aussi pour voir de nouvelles têtes. Et pour échanger les idées, parler de plein de choses, parce que chacun peut donner son avis. Ça permet de se poser la question de savoir de quoi on a besoin réellement. En France on a tout pour être heureux. Mais le seul truc qui nous manque c’est d’essayer de vivre ensemble.

On n’a pas besoin de grand-chose pour sauver des vies. C’est important de se retrouver ensemble. Quand tu n’as personne pour toi, tu peux mourir. La solitude ne concerne pas seulement les personnes âgées, ou bien seules physiquement. Tout le monde peut être seul. Tout le monde porte une part de solitude. La solitude régnait sur moi, alors que j’étais en couple et que ça n’allait pas bien. Je ne savais pas où aller. Je ne voulais pas m’enfoncer dans la solitude. La communauté m’a aidée. Au début je n’arrivais pas à parler, et petit à petit, ça m’a aidé. Il faut juste oser franchir la porte. Et là j’ai le sourire et je vais bien vieillir avec ce sourire.

Texte 2

À mes yeux, accueillir au Dorothy est d’abord une décision collective. Nous travaillons à réunir les conditions matérielles et immatérielles permettant à chacun de se sentir bienvenu dans ce lieu où se réalise une cohabitation entre des personnes aux parcours, aux profils psycho-sociaux et aux attentes parfois très différentes : retraitée isolée aux petits moyens, habitant du quartier, étudiant modeste, livreur UberEats éreinté, paroissien, militante d’une association voisine…

Il n’y a pas de contenu unique et duplicable d’un bon accueil. L’accueil s’incarne d’abord dans une disposition intérieure, une ouverture du cœur au « prochain », c’est-à-dire à celui qui surgit sans crier gare, sans être connu ou prévu à l’avance. Cette disponibilité au prochain se traduit ensuite par une palette d’activités variées : écoute de l’autre, échange à bâtons rompus, divertissement partagé (jeux de société, ping-pong…), service d’une boisson, présentation du Dorothy ou des prochains événements… Ces activités supposent d’avoir appris à connaître le fonctionnement et l’organisation du lieu, de rester attentif à la personne sans oublier la présence des autres et de ceux qui arrivent régulièrement ou qui découvrent le Dorothy pour la première fois. D’où l’importance d’être au moins deux bénévoles sur un créneau d’accueil de jour.

Mon désir profond est que le Dorothy soit irrigué par l’amour inconditionnel du prochain quel qu’il soit. Cela implique forcément de prendre de la distance par rapport aux principes habituellement en vigueur dans les espaces marchands, notamment la discrimination par l’argent. Mais cela ne signifie pas tolérer tout de l’autre : accueillir, c’est aussi savoir établir et garantir un cadre pour le bien de tous. On ne peut pas ignorer ou laisser prospérer l’agressivité, l’addiction, les mauvaises intentions… Il est parfois indispensable de rappeler à l’ordre et d’exiger la correction de certains comportements. Ces gestes de fermeté doivent être combinés avec la charité, ce qui est un équilibre difficile à atteindre.

L’accueil, lorsqu’il est régulier et se réalise dans un lieu précis, débouche sur la communauté. Nous ne sommes plus seulement des individus qui nous croisons mais nous formons un ensemble où beaucoup des personnes présentes ont un nom, apprennent progressivement à se faire confiance mutuellement, redécouvrent leur dignité d’être unique. L’enjeu est que cette communauté légère ne se referme pas sur elle-même et que de nouveaux bénévoles et accueillis ne cessent jamais d’y pénétrer et de l’enrichir avec ce qu’ils sont. Nous ne sommes pas un îlot autarcique mais un espace d’enracinement ouvert aux vents extérieurs.

En tant que bénévole, je me sens peu à peu guéri par l’œuvre d’accueil. Guéri de quoi ? D’un rapport vicié au temps (qu’on a tendance dans notre société à percevoir non pas comme des événements singuliers successifs mais comme une ressource à mesurer, à contrôler et à investir), d’un idéalisme faisant parfois fi de la réalité clair-obscur de tous les hommes, d’une méconnaissance crasse de certaines situations de détresse psychologique ou sociale…

« L’amour est un échange de dons » disait saint Ignace de Loyola, un religieux du XVIe siècle que Dorothy Day aime et cite souvent dans ses propres écrits. Il s’agit, autant que cela est possible, de faire participer les accueillis à la création continue du Dorothy. Un lieu n’est jamais fini, il faut l’entretenir, le transformer, l’améliorer… Comment associer chacun à cette tâche, à la mesure de ses désirs et de ses capacités ? Cela rejoint la devise d’un certain communisme : « À chacun selon ses besoins, de chacun selon ses capacités. » La question de la participation de tous est cruciale et complexe, le risque étant qu’un fossé se creuse et s’agrandisse toujours plus entre les bénévoles – figures de service et d’autorité – et les accueillis – qui peuvent se sentir réduits au rang de sujets inutiles voire d’objets encombrants.

Prier pour ceux qui habitent, fréquentent et tiennent le lieu, se relier spirituellement à ces personnes, a pour effet de bonifier les relations nouées avec elles. On passe alors de la communauté à la communion fraternelle qui est bien autre chose qu’un vague délire de fusion sociale. Elle débute dans le pressentiment de partager avec les autres une part de ce pèlerinage vers la lumière divine que cette vie terrestre est essentiellement.

Texte 3

Le Dorothy est un lieu où les gens partagent leurs soucis. Ils viennent et trouvent toujours quelqu’un. Il y a des gens qui viennent tous les jours car ils y trouvent leur bonheur, ou des journées agréables.

Certains viennent pour éviter de fumer, de parier ou de boire de l’alcool. Certains ont besoin d’aide concrète sur un sujet, comme remplir un papier. Je peux parler arabe avec certaines personnes qui ne parlent pas français. Je peux les accueillir, les rediriger, servir d’interprète.

Mais on a tous besoin d’aide. On s’entraide les uns les autres. Je viens ici car je n’ai pas de travail, et je préfère être là que de rester à la maison. Quand je viens ici je ne suis pas préoccupé par mon travail. J’aime faire ce qui est bien. Quand j’ai immigré, j’avais vingt-deux ans, j’ai trouvé des gens qui m’ont aidé et maintenant je veux aider à mon tour. En anglais, on dit : « You scratch my back, I scratch yours. »

Quand les gens sont seuls, je vais près d’eux, je leur pose des questions. Et je me présente. Ce n’est pas seulement dans un sens que se fait la rencontre. Je dis que je suis bénévole depuis septembre 2021, je raconte ce que je fais, etc.

Quand je vois quelque chose à faire, quelque chose à ranger ou nettoyer, je le fais. Je fais comme à la maison. Cela permet de bien accueillir les gens. Quand tu invites les gens chez toi, tu ne peux pas laisser l’endroit sale. Le Dorothy est un peu comme une maison : quand tu reçois les gens chez toi, tu leur donnes à boire, tu parles avec eux, tu passes du temps. Et avec le temps ils deviennent des amis. Parfois le mercredi je viens avec ma femme et mon fils, et on mange ensemble.

Parfois il faut gérer des situations plus difficiles. Pour ça c’est important que les règles soient claires, on ne peut pas faire chacun son truc. C’est un projet collectif, on doit prendre le même chemin. On a eu des problèmes de shit par exemple. Si je vois quelqu’un rouler, je lui parle une fois. Mais s’il me menace, il vaut mieux le laisser pour cette fois. Et parler avec lui plus tard. Mais si la prochaine fois il le refait, alors j’appelle quelqu’un.

Texte 4

Lorsque l’on accueille, on tâche de laisser une place à quelqu’un qui vient d’ailleurs. La personne arrive souvent avec ses problèmes, ses questions, sa fatigue ; elle cherche un peu de confort et de tranquillité, une aide, mais aussi peut-être une rencontre, un moment pour penser à autre chose. Pour accueillir, je dois alors être prêt à cette rencontre, mais c’est impossible d’être tout à fait prêt pour une rencontre. Ce à quoi il faut se préparer, c’est à être désarçonné, surpris, désemparé ; il faut alors chercher des réponses que l’on n’a pas, réagir à des attentes imprévues, rendre possible d’autres usages du Dorothy et d’autres manières d’y vivre. Il faut aussi se préparer à ce que cette rencontre ne soit jamais sans heurt, sans difficulté, sans incompréhension et même sans tension. Il y a alors des deux côtés une même exigence : l’accueil de l’autre. La personne accueillie elle-même doit alors habiter le lieu en hôte, dans l’ambivalence de ce terme, c’est-à-dire à la fois en tant qu’accueillie (guest en anglais) et accueillante (host en anglais). Le Dorothy est une école de l’hospitalité, parce que l’on y découvre la symétrie de l’accueil des deux côtés de cette fragile frontière qu’est le bar ; on y découvre que tout le monde est hôte parce que tout le monde doit, en ce lieu, accueillir les autres pour se sentir chez soi ; on y découvre que l’hospitalité peut être à la fois inconditionnelle et universellement exigeante, et que si l’on accueille quelqu’un, c’est toujours à condition d’être accueilli en retour dans ce lieu qui n’est ni à « nous », ni aux « autres ».

Texte 5

Pour moi, l’accueil de jour se résume par deux verbes : écouter et servir. Plus que le fait de servir des cafés et des bières, l’essentiel de notre temps est consacré à écouter les questions des nouveaux, les réflexions de l’un, les galères de l’autre, les blague d’un autre encore. Et puis rire avec eux, sourire, répondre, débattre, s’agacer parfois et puis très vite apprendre l’humilité. Et servir, ce n’est pas seulement « donner à boire à ceux qui sont ont soif », c’est aussi donner des coups de main à ceux qui ont du mal avec leurs démarches Pôle emploi ou Doctolib, aider à traduire un texte…

Sur un plan plus personnel, l’accueil de jour m’a apporté un engagement communautaire au nom de ma foi et un vrai sentiment d’utilité sociale dans un moment de mon chemin spirituel et de mon parcours de vie où j’en avais besoin. Il y a une dimension très évangélique dans l’accueil de jour, où les barrières tombent, les hiérarchies sont renversées. J’apprécie notamment mon créneau car on croise à la fois des publics précaires et isolés et des jeunes étudiants ou intellos qui viennent écouter les conférences. Même si évidemment tout n’est pas idyllique et il y a des différences sociales qu’on ne peut pas gommer, ne serait-ce que par la manière de se vêtir, voire de parler. En tout cas, pas une fois je ne suis reparti du Dorothy en colère ou triste, même s’il y a souvent des petites tensions à gérer, des moments de stress. Je ressors toujours très apaisé.

Texte 6

Quand on arrive pour servir au Dorothy, la première chose qu’on fait, c’est déposer son sac et ranger par la même occasion tout ce avec quoi on arrive (sauf si bien sûr on vient avec des petites sucreries à partager !). Pour accéder au Dorothy, il faut traverser une sorte de petit couloir qui fait la jonction entre deux mondes : celui du dehors et celui du dedans. Espace transitoire qui fait du Dorothy un endroit qu’on ne soupçonne pas, un endroit invisible pour le passant pressé, un endroit magique qui nous transporte ailleurs. Parce qu’une fois qu’on arrive, ni les voitures, ni la rue de Ménilmontant n’existent plus. Et puis on oublie que le temps passe au profit de ce qui se passe devant nous, de ces gens qui passent prendre un café. Encadré par les deux côtés du zinc, celui qui sert à boire a de quoi lancer une conversation avec celles et ceux qui sont confortablement installés face au bar. Avec une phrase parfois banale ou hésitante émise au hasard pour engager un dialogue, on se rend vite compte que derrière des visages un peu timides ou silencieux, il y a tant à découvrir. Un prénom, des tas d’expériences, une multitude d’émotions. De la détresse, parfois, bien sûr, qui attriste, mais qu’il est aussi salutaire pour qui la ressent de l’exprimer. Mais aussi, et surtout, d’incroyables moments de joie, et beaucoup de traits d’esprit ! Souvent, les habitués ont leurs sujets fétiches, on apprend à les connaître et on se plait d’autant plus qu’on aime à les retrouver d’une semaine sur l’autre. Il suffit que l’un ou l’autre ne vienne pas une semaine et on s’interroge : pourvu qu’il aille bien. Il y a les habitués et il y a aussi ceux qui arrivent par hasard, il y a ceux qui viennent du coin et ceux qui viennent d’ailleurs, il y a ceux qui viennent plein de légèreté, d’autres lourds de leur journée, il y a ceux qui pensent comme-ci, d’autres comme çà, mais tous ces gens, c’est ce même petit couloir qui les a emmenés au Dorothy. Or ce petit couloir est magique : il nous fait oublier d’où on vient et réunit tous ceux, quels qu’ils soient, qui souhaitent partager autour d’une boisson une vraie discussion et une chaleur d’âme.

Texte 7

Accueillir. Au Dorothy j’apprends à accueillir. C’est un apprentissage qui est toujours à poursuivre, tant accueillir est un art que l’on peut toujours peaufiner. Accueillir quelqu’un c’est savoir le recevoir dans sa singularité. Être prêt à l’évènement. Se laisser bousculer par cette personne. S’intéresser réellement à qui elle est. Dans son absolue nouveauté.

Rencontrer. Mais il faut aussi mettre de soi. Se présenter soi. Ne pas être dans une curiosité malsaine, respecter son territoire intime, déchausser ses sandales devant la terre sacrée qu’est l’autre. L’accueil inconditionné n’est pas conditionné à qui est la personne. Mais il ne signifie pas qu’il n’y a pas de conditions à l’accueil. La rencontre nécessite que l’on sache aussi se préserver. Et que l’on ne prétende pas sauver l’autre. C’est vouloir le bien de l’autre et le sien. Cela demande parfois de reprendre quelqu’un, de savoir être ferme. Mais toujours dans la recherche de la compréhension de ce qu’il vit.

Hospitalité. Chacun est de passage sur cette terre. Accueillir c’est faire ce geste de l’hospitalité que l’autre pourrait faire à mon égard dans un autre lieu ou une autre circonstance. C’est savoir que je ne suis pas propriétaire du lieu dans lequel je reçois comme je ne le suis pas de la terre qui m’a vue naître. Mais celui qui accueille doit reconnaître et accepter qu’il y a une forme d’inégalité dans la relation. Que depuis sa position de service, qui est aussi une position de privilégié, il a une responsabilité, qui est celle de mettre au service ce qu’il a reçu : une situation matérielle favorisée, mais aussi un bon équilibre psychologique ou une espérance dans le Christ.
Présence. Au Dorothy j’apprends l’art de l’instant. À chaque situation une réponse différente s’impose. Parfois il faut dépasser sa réticence à écouter quelqu’un qui a besoin de parler, ou dit des choses ennuyantes. Parfois il faut l’interrompre pour ne pas se vider de son énergie et pouvoir continuer à être dans la rencontre, ou parce que l’on sent que ce serait bon pour lui d’apprendre à moins parler, soit pour laisser de la place aux autres, soit pour ne pas tout dévoiler de sa vie intime. Parfois il faut remettre le lieu en ordre de propreté et de beauté, parce que la beauté d’un lieu participe de la vie digne qui est due à chacun, mais parfois il faut accepter que le lieu ne soit pas impeccable, que ce soit un peu le bazar pour veiller à ne pas étouffer la vie. Parfois il faut faire respecter des règles, comme dire au pianiste de passage de mettre la sourdine ou de ne pas jouer trop longtemps, afin de laisser à chacun sa place et de permettre le repose de eux qui viennent le chercher. Parfois il faut se laisser déborder par l’inattendu et l’imprévu, et sentir que l’ambiance de ce jour là est de chanter tous ensemble autour du piano.

Ambiance. Accueillir c’est veiller à la beauté de l’ambiance. Que chacun se sente à sa place. Que chacun puisse être connu, avoir un nom. Mais aussi que chacun ait à coeur que tous les autres aient leur place, et que chacun se sente concerné par la beauté du lieu, des relations et de l’atmosphère. La finalité c’est que tout le monde cherche à accueillir tout le monde. Ces moments là arrivent, et je crois qu’alors c’est vraiment le royaume de Dieu.

Texte 8

Le Dorothy représente pour moi un lieu assez rare à Paris. Un des rares endroits dans cette ville où l’on ne se sent pas obligé de consommer à tout prix, ni d’avoir l’air particulièrement affairé. Le public qui y vient est très éclectique. Il y a un mélange tout à fait inhabituel de gens du quartier, de bobos, de personnes marginalisées en situation de précarité, de jeunes étudiants, de personnes âgées et d’enfants de diverses origines. Selon l’heure qu’il est, on s’installe avec un thé, un café ou une bière, au fond d’un fauteuil ou d’un canapé chiné, dans le jardin ou à l’intérieur sur les tapis, au chevet des étagères de livres. Le Dorothy est un lieu où l’on se sent entièrement libre, aussi bien physiquement que mentalement. On ne se sent pas à l’étroit physiquement car l’espace est grand, les chaises, les tables, les fauteuils ne sont pas collés les uns aux autres, que ce soit à l’intérieur ou dehors, dans le jardin. On ne se sent pas à l’étroit mentalement non plus, car bien que le lieu se veut d’inspiration chrétienne, toutes les religions, croyances et autres identités sont les bienvenues, et même sont supposées faire la richesse du lieu. Il y règne un calme et une bienveillance qui contrastent avec la plupart des autres cafés ou salons de thé parisiens.

En tant que bénévole pour l’accueil du jour, je crois que ma mission est de préserver et transmettre cet état d’esprit de liberté et de respect des autres, et bien sûr, tout simplement, de maintenir le lieu en état de fonctionnement et de propreté. Il me semble important de garder une oreille attentive pour ceux qui ont besoin d’aide, mais aussi de savoir quand ce n’est pas à nous d’aider et quand il vaut mieux orienter les bénéficiaires vers quelqu’un d’autre. La plupart du temps les gens, même si instables psychologiquement, sont capables de faire preuve de bienveillance, de respect et même de joie de vivre. Je pense que c’est cela que je trouve particulièrement agréable à l’accueil du jour, c’est de pouvoir discuter de tout et de rien avec des gens dans des situations très différentes de la mienne, autour d’une tasse de thé, de manière naturelle et simple. Parfois je rencontre aussi des gens qui sont plus similaires à moi, notamment parmi les autres bénévoles, et cela aussi est évidemment agréable. Je pense que c’est précisément cette cohabitation, le temps d’un café ou d’une bière, avec des gens à la fois similaires et très différents que je trouve enrichissante en faisant l’accueil du jour au Dorothy.

Pour illustrer mon propos, je vais choisir une anecdote parmi les nombreuses qui me viennent à l’esprit : un soir, un groupe de musique Bluegrass donnait un concert au Dorothy, je m’y suis laissé entraîner après une réunion de bénévoles. La musique était d’une grande qualité et la salle remuait la tête aux sons du banjo. C’était un moment qui représentait bien pour moi la beauté du Dorothy, car j’ai assisté ce soir-là à la rencontre improbable entre un groupe de musiciens du fin fond du Midwest américain et les habitants de Belleville/Ménilmontant. C’est donc peut-être ça qui résume le mieux le Dorothy pour moi, des rencontres improbables et des découvertes culturelles enrichissantes.

Texte 9

J’ai voulu participer à l’accueil de jour car j’ai été attiré par son esprit qui se résume en une formule : l’accueil inconditionnel. Si je trouve ce principe si puissant, c’est qu’il surpasse le matériel (offrir un café, un endroit chaud, un service) pour toucher au spirituel. Ou, plutôt, à l’éthique, car il nous place dans le domaine de l’être, qui tient de l’évidence et du mystère. Accueillir l’autre réclame d’ouvrir un espace en soi, et donc de faire le ménage dans ses préjugés, crispations, jugements. C’est aussi exiger que l’autre, à sa manière et en dépit de ses difficultés, fasse de même. Là est la singularité de ce bénévolat ; il n’est pas un simple don, mais un échange, qui exige que l’accueilli fasse lui aussi place aux autres. Pour ceux dont la vie est empreinte de violence, de misère, de solitude, cette marche minuscule réclame parfois du temps et de l’aide. C’est le rôle du bénévole que de tendre cette main, d’initier un cycle de gratitude.

La traduction individuelle de l’accueil inconditionnel se résume pour moi avec une autre formule : être disponible. Il s’agit d’une disponibilité de parole, mais aussi de silence ; d’une disponibilité à l’autre, mais aussi aux autres. Car il n’y a pas de hiérarchie des accueillis, mais une addition de personnes qui ont chacune fait ce geste immense de passer le pas de la porte. Être disponible ne consiste donc pas à monopoliser son énergie sur celui qui souffre le plus, mais à se mettre en situation de ressentir l’attente de chacun. Pour la satisfaire, et surtout la dépasser. Car toute la puissance de ce moment dont le bénévole est le garant tient dans son pouvoir de transformation. L’un était timidement venu quelques minutes, il est resté deux heures ; l’autre voulait juste un café, il a passé l’après-midi à jouer ; certains ont osé venir seuls, ils ont trouvé des amis.

L’accueil inconditionnel, en créant les conditions d’une ouverture de chacun à la spontanéité de l’instant, offre cette possibilité de transformation. Certes ponctuelle, certes imparfaite, mais si rare dans notre vie collective que je la vois aussi comme un acte de résistance. Cette transformation est celle des accueillis lorsqu’ils ont trouvé ce qu’ils cherchaient (et surtout ce qu’ils n’osaient plus chercher), mais aussi de soi. Puisqu’être bénévole c’est faire soi-même l’expérience, une poignée d’heures, de cette exigence si haute qu’est l’accueil inconditionnel – et d’en sortir en ayant, parfois, l’impression d’avoir été à sa hauteur.

Texte 10

Le Dorothy, c’est avant tout du café et du thé pendant la journée. Ils sont gratuits mais tout me monde en raffole. Que ce soit un habitué, sans domicile fixe cherchant un travail ou bien un simple visiteur curieux, il n’y a pas d’exception. Nous, les bénévoles, nous sommes là pour les servir et recueillir les sourires qu’ils procurent. Parfois, en fin de journée, ce sont des bières qui viennent s’ajouter à la liesse.

Mais notre rôle ne se cantonne pas au service, au contraire, le service en salle est plutôt secondaire. Le plus important est d’accueillir, et surtout de le faire avec bienveillance. En quoi cela consiste me direz-vous ? Et bien ce n’est pas compliqué il faut être disponible, à l’écoute et parler avec tout le monde ; ne pas être indiscret, écouter attentivement, donner des conseils avec douceur. Une bonne parole réchauffe souvent le cœur. L’erreur est de prendre les accueillis de haut, de penser qu’il faut à tout prix les aider et que l’inverse est impossible. Cela dénature les comportements et crée une sorte de hiérarchie verticale ; alors l’échange ne se produit plus. Les prendre comme des égaux, simplement invités dans un lieu dont il faut respecter les règles permet la réciprocité, on apprend alors sur soi-même et sur le monde tout en les accueillant. C’est en cela que réside la beauté du Dorothy.

Texte 11

Je suis bénévole depuis un an et demi. Ayant une formation dans l’hôtellerie, tenir le bar me semblait naturel, mais je n’avais pas pensé à faire du bénévolat : ce sont des amis du Dorothy qui m’ont introduit. Ici, on accueille des gens en situation de précarité, et parfois de grande précarité. Malgré leur situation, ces personnes apportent très souvent avec elles des qualités inattendues : certaines ont un savoir impressionnant, d’autres un humour irrésistible ou de grandes qualités humaines. L’accueil de jour est donc un café de la tolérance (car on accueille tout le monde, quelles que soient les origines et les confessions) qui m’a permis d’être en contact avec des personnes très différentes, que je n’aurais jamais rencontrées ailleurs. Cette diversité a considérablement enrichi ma vie dans le quartier autour de valeurs comme la solidarité, la convivialité ou l’écologie, notamment par la découverte de l’impressionnant tissu d’associations qui y œuvrent, et dont certaines sont accueillies au Dorothy. Désormais, si je marche de mon domicile à Ménilmontant jusqu’à Belleville, je croise toujours un accueilli, ou un bénévole. Car l’accueil de jour permet d’être intégré dans un collectif, et pour moi c’est aussi précieux que le contact avec les accueillis : la bonne humeur des bénévoles, les discussions constantes pour améliorer l’accueil et la sensation d’être tous rassemblés par ce projet commun est à la fois une ouverture et un moteur dans mon quotidien.

 

Visites à “l’Ecole des Semeurs”

Visites à “l’Ecole des Semeurs”

Au cours de l’année 2020, plusieurs personnes de l’équipe du Dorothy ont eu l’occasion de rendre visite et de participer aux chantiers organisés par cette ferme-école originale lancée en 2018 pour permettre à des jeunes en décrochage scolaire de se former au métier de maraîcher-primeur. Un très beau projet que nous souhaitions vous faire découvrir !

Un projet unique en France

L’Ecole des Semeurs a bien des particularités qui nous ont été données de découvrir au fur et à mesure de nos visites. En arrivant sur les lieux, au coeur du pays d’Ouche en Normandie, on est d’abord frappés par la beauté du cadre dans lequel l’école a eu la chance de s’installer : celui du domaine du château de Beaumesnil construit au XVIIème siècle et classé monument historique. Des dépendances et de vastes terrain de culture ont permis à l’école d’accueillir ses premiers élèves tout en initiant différents chantiers d’aménagement pour adapter les lieux aux projets.

Car au-delà du cadre magnifique, c’est bien le modèle de l’école qui la rend si unique. L’Ecole des Semeurs est ainsi la première école de production spécialisée dans le maraîchage biologique et la vente de produits en circuits courts en France. Il existe aujourd’hui 35 écoles de production dans des domaines variés comme l’automobile ou la restauration, à partir d’une pédagogie “faire pour apprendre” qui met les jeunes en conditions réelles de production avec un haut niveau d’exigence et de responsabilisation. C’est à partir de ce modèle que Marie-Cécile, fondatrice et directrice de l’école, a créé sa ferme-école avec le désir d’accompagner les jeunes en décrochage scolaire, tout en revalorisant le travail de la terre, la vente de produits en circuit court et les compétences et l’épanouissement qui en découlent.

L’école au quotidien

La première promo compte 8 élèves qui se forment au CAP de maraîcher-primeur, avec une formation complète allant de la préparation des sols à la formation à la vente, complétée par des matières générales comme le français ou l’histoire. Leurs activités s’organisent autour de deux lieux principaux : une grande parcelle de 4,6 hectares dont 1,4 déjà cultivés et l’ancien corps de ferme du château avec la salle de classe, un petit jardin pédagogique et les bureaux de l’équipe. L’école accueille volontiers les visiteurs par exemple lors des cueillettes du mercredi après-midi où les élèves vous accompagnent pour cueillir vos fruits et légumes vous-mêmes ou vous accueillent dans la boutique à la ferme. Les produits de l’école sont également disponibles via la vente en ligne ou sur les marchés de la région dès le retour des beaux jours !

N’hésitez pas à visiter leur page Facebook, leur site internet, à leur rendre visite sur place, et pourquoi pas à les soutenir si le projet vous intéresse !