À quoi bon la théologie politique ?

jeudi 4 octobre 2018 | Conférence

Conférence du professeur Bernard Bourdin au Dorothy (4 octobre 2018)
Cycle Théologie Politique

Un cycle de conférences sur le thème de la théologie politique. Qu’est-ce à dire ? En tant que chrétiens, nous nous posons la question de l’articulation entre notre foi et nos choix politiques, entre la religion chrétienne et les pouvoirs publics. Être chrétien, c’est se sentir responsable de son prochain et donc investi dans la vie politique. Mais c’est aussi reconnaître comme seul vrai pouvoir celui de Dieu : aussi le christianisme a une vertu subversive face aux pouvoirs politique, que nous pouvons avoir tendance à oublier, et que certaines théories politiques ont pu totalement occulter. Nous ne sommes plus à l’ère de la théocratie ; au contraire nos démocraties libérales se présentent comme neutres, avec comme seule “valeur” consensuelle les droits de l’homme. Pourtant, n’y aurait-il pas des restes de sacralité dans nos institutions “neutres”? Est-ce que le capitalisme que nos Etats semblent encourager ne cherche pas à prendre possession de nos corps et de nos esprits, comme une autre forme de divinité ? Pour éviter cette aliénation inconsciente, faut-il faire ressortir Dieu de la sphère privée ? Et si oui, comment, par quels moyens, dans quel but ?

“Le christianisme est une éthique, pas une politique”

La première conférence nous a été proposée par Bernard Bourdin, professeur à l’Université catholique de Paris, sous le titre “A quoi bon une théologie politique ?” Le professeur Bourdin a commencé par mettre en valeur la déchirure chez le chrétien d’aujourd’hui entre sa dimension de croyant, qui place Dieu au centre, et sa dimension de citoyen, dans des États qui se présentent comme métaphysiquement neutres. Pour faire face à ce conflit, il nous a proposé sa solution d’un “civisme chrétien”, consistant à s’engager pour le bien commun en défendant la démocratie libérale qui est la nôtre. Car pour lui, cette forme politique qu’est la démocratie libérale, est indépassable : elle est née dans les sociétés de culture chrétienne, à la suite du Christ qui a refusé la royauté et le pouvoir politique. De même que Dieu laisse sa liberté à l’homme, un régime politique chrétien est un régime qui laisse sa place à la liberté de conscience personnelle. Pour autant, cela ne revient pas au relativisme et à dire que toute référence à une vérité transcendantale est inutile et à bannir dans le cadre politique : au contraire, comme le dit Tocqueville, la religion apporte de la stabilité à la démocratie. Alors le rôle du chrétien est de féconder le débat public en y apportant l’éthique évangélique. Car le christianisme est une éthique, pas une politique. Le cadre des Etats-nations est idéal pour un chrétien puisqu’il propose de dérouler un discours universel dans un espace particulier (la nation), avec sa culture propre, son histoire, ses traditions. S’en est suivi un débat virulent sur “la nation”, vue comme une nécessité par le professeur Bourdin, mais critiquée comme un archaïsme non nécessaire (voir dangereux) par une partie du public. Un débat qui devrait se prolonger pendant les prochaines séances…

Nos conseils de lecture pour approfondir :
Saint Augustin, Cité de Dieu
Emilie Tardivel, Tout pouvoir vient de Dieu – un paradoxe chrétien