Journée écologie et spiritualité

samedi 23 février 2019 | Événement

Le 23/02/19 au 104, rue Vaugirard, Le Dorothy a participé à une journée d’études organisée par l’association Hermeneo et le Dorothy. 

But de la journée : Vivre un dialogue interreligieux de projet c’est-à-dire échanger avec des croyants sur des sujets de sociétés qui nous interpellent tous, pour ensuite agir ensemble.

Table ronde. Thème : L’écologie dans les textes religieux

Etienne Grenet, prêtre catholique, professeur de Bible au collège des Bernardins et accompagnateur d’un groupe de jeunes professionnels en réflexion sur Laudato Si depuis 4 ans. 

Dans le premier récit de la Création, dans le livre de la Genèse, dans la Bible, on peut lire : « A son image, il les créa. » Il y a un élément d’immanence et un élément de transcendance dans l’être humain tel que Dieu le créé. L’homme reflète d’une façon toute particulière l’être de Dieu. Dans le deuxième récit de la Création (également dans la Genèse), il est écrit que Dieu, après avoir façonné l’homme et la femme, y introduit « le souffle de la vie ». Il est vrai que dans le christianisme, l’être humain occupe une place centrale dans le monde créé. La modernité capitaliste peut être comprise comme la dégénérescence de cet anthropocentrisme. On est dans une démesure qui en vient à mettre en péril la préservation même de la vie sur terre. Dans le livre de la Genèse, l’être humain est appelé à « cultiver et à garder » le « jardin » que Dieu lui offre en créant le monde. On cultive le monde en le gardant, en prenant soin. Certes, le monde n’est figé ; il demande à être travaillé, modelé, transformé. L’être humain est en interaction avec la nature, il créé de nouvelles choses à partir de cette interaction. La mission centrale de l’homme est de parachever l’œuvre de la Création en y œuvrant par son travail et son inventivité. Ce faisant, il se parachève lui-même – c’est-à-dire que ce travail l’humanise. De manière plus profonde encore, le travail humain rejoint l’autre mission essentielle de l’homme : rendre un culte à Dieu. Le travail doit s’achever dans l’action de grâce du repos sabbatique : c’est ce que suggère déjà l’emploi des mots “cultiver et garder”, qui, en hébreu, sont des mots clés de la vie religieuse : cultiver désigne le service cultuel, et garder désigne l’observance de la Loi. La suite du livre de la Genèse nous parle d’une cassure : ce qu’on appelle la « chute », le « péché originel ». Cela vient tordre notre être : le rapport à Dieu devient vicié (on en vient à avoir peur de Dieu), le rapport aux autres et à la nature en vient à être marqué par la logique de la domination. Cela ne signifie pas que la tâche de garder et de cultiver le jardin devient impossible mais qu’elle devient difficile et que l’homme a tendance, dans l’histoire, à s’en éloigner et à oublier cette mission fondamentale. 

La parabole du Fils prodigue est particulièrement révélatrice de l’attitude de l’homme. Après avoir été éveillé à la liberté par un père aimant, l’homme « prend la part d’héritage qui lui revient et va la dilapider ». Nous pouvons espérer qu’après ce comportement adolescent, l’humanité choisisse une vie d’adulte responsable. En tant que chrétiens, nous sommes obligés de faire un retour critique sur notre histoire pour comprendre comment et pourquoi avons-nous avalé la pilule du matérialisme démiurgique ?

Aujourd’hui face à la crise écologique, comment retrouver le sens de cette tâche ? En contemplant la nature (les psaumes, notamment le psaume 18/19 y invite) et les êtres vivants (Livre de la Sagesse, 13) qui portent en eux une certaine empreinte de la beauté du Créateur de toute chose. 

Omero Marongiu, sociologue et théologien musulman à Nantes. Il travaille notamment sur le sujet du végétarianisme.

La question du croyant est : qu’est-ce que Dieu attend de nous ? On va faire ici une lecture vectorielle du Coran, c’est-à-dire qu’on va se saisir de certains passages et en proposer une interprétation. Le Coran porte un message anthropologique, c’est-à-dire qu’il propose une réponse à la question : qu’est-ce que l’homme ? Dans le Coran, l’homme est ontologiquement relié aux animaux et aux éléments. Mais il y a une notion importante qu’il faut comprendre pour éclairer la singularité humaine. Il est écrit dans un passage important du Coran : « Dieu a proposé le dépôt aux cieux, à la terre et aux montagnes qui l’ont refusé, l’homme lui l’a accepté. » Comment comprendre ce passage ? 1° : on apprend que Dieu a communiqué avec le monde et que le monde a répondu. L’intelligence, la capacité de communiquer, appartiennent donc aussi aux minéraux, végétaux, animaux. 2° : l’être humain a accepté le dépôt, il occupe donc une certaine enc. Les autres êtres aussi sont intelligents, ils ont aussi la capacité de louer Dieu à leur façon. Mais l’homme seul a accepté de porter le fardeau de la liberté. Le « dépôt », c’est donc cela : la liberté et le fait d’assumer les conséquences qu’implique la possession de cette faculté très vaste. La liberté implique une capacité d’action agrandie, qqch que l’homme possède en propre. Dès lors, en retour de cette faculté qui a du poids, apparaît la notion de responsabilité. Nous sommes libres mais cette liberté demande à être mise au service de la volonté divine. Il faut s’interroger sur les causes qui ont mis en avant ce paradigme de la domination. 

 Marongiu rappelle que des penseurs soufis dès le XIVème siècle parlent déjà de l’intelligence des animaux et du lien de collaboration de l’homme avec la création. Il souhaite s’inspirer de cette théologie pour apprendre  à collaborer et non à écraser le monde. L’urgence de la crise écologique est telle que la collaboration est la seule option possible. Aujourd’hui, nous n’entendons pas le cri des animaux et de la Création (des baobabs millénaires meurent en ce moment, ce n’est pas dans un film de Spielberg, c’est actuel, mais nous détournons les yeux) car nous sommes prisonniers d’une lecture dominatrice du monde. Dieu a donné les clefs de la maison à tout homme, quelle que soit sa religion. Ainsi il faut collaborer avec toutes les traditions religieuses et avec la création directement. Il constate que les croyants n’attendent pas les directives des savants pour s’engager dans une conversion écologique et que des musulmans se mobilisent pour créer des petites fermes écologiques ainsi que des filières d’abattage plus respectueuses des animaux, mais il faut aller encore plus avant ».